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qu’une heure de chasse ne sera pas du temps perdu. Es-tu prêt, Robert ?

— Oui, mylord, » répondit le jeune garçon en se levant, le fusil à la main.

Si Glenarvan avait eu cette idée, c’est que les bords de la Guamini semblaient être le rendez-vous de tout le gibier des plaines environnantes ; on voyait s’enlever par compagnies les « tinamous, » sorte de bartavelles particulières aux Pampas, des gelinottes noires, une espèce de pluvier, nommé « teru-teru, » des râles aux couleurs jaunes, et des poules d’eau d’un vert magnifique.

Quant aux quadrupèdes, ils ne se laissaient pas apercevoir ; mais Thalcave, indiquant les grandes herbes et les taillis épais, fit comprendre qu’ils s’y tenaient cachés. Les chasseurs n’avaient que quelques pas à faire pour se trouver dans le pays le plus giboyeux du monde.

Ils se mirent donc en chasse, et dédaignant d’abord la plume pour le poil, leurs premiers coups s’adressèrent au gros gibier de la Pampa. Bientôt, se levèrent devant eux, et par centaines, des chevreuils et des guanaques, semblables à ceux qui les assaillirent si violemment sur les cimes de la Cordillère ; mais ces animaux, très-craintifs, s’enfuirent avec une telle vitesse, qu’il fut impossible de les approcher à portée de fusil. Les chasseurs se rabattirent alors sur un gibier moins rapide, qui, d’ailleurs, ne laissait rien à désirer au point de vue alimentaire. Une douzaine de bartavelles et de râles furent démontés, et Glenarvan tua fort adroitement un pécari « tay-tetre, » pachyderme à poil fauve très-bon à manger, qui valait son coup de fusil.

En moins d’une demi-heure, les chasseurs, sans se fatiguer, abattirent tout le gibier dont ils avaient besoin ; Robert, pour sa part, s’empara d’un curieux animal appartenant à l’ordre des édentés, « un armadillo, » sorte de tatou couvert d’une carapace à pièces osseuses et mobiles, qui mesurait un pied et demi de long. Il était fort gras, et devait fournir un plat excellant, au dire du Patagon. Robert fut très-fier de son succès.

Quant à Thalcave, il donna à ses compagnons le spectacle d’une chasse au « nandou, » espèce d’autruche particulière à la Pampa, et dont la rapidité est merveilleuse.

L’Indien ne chercha pas à ruser avec un animal si prompt à la course ; il poussa Thaouka au galop, droit à lui, de manière à l’atteindre aussitôt, car, la première attaque manquée, le nandou eût bientôt fatigué cheval et chasseur dans l’inextricable lacet de ses détours. Thalcave, arrivé à bonne distance, lança ses bolas d’une main vigoureuse, et si adroitement, qu’elles s’enroulèrent autour des jambes de l’autruche et paralysèrent ses efforts. En quelques secondes, elle gisait à terre.