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Lorsque chacun eut pris place dans le roukah, Paganel interrogea Thalcave et lui demanda son avis sur ce qu’il convenait de faire. Une conversation rapide, dont Glenarvan saisit quelques mots, cependant, s’établit entre le géographe et l’Indien. Thalcave parlait avec calme. Paganel gesticulait pour deux. Ce dialogue dura quelques minutes, et le Patagon se croisa les bras.

« Qu’a-t-il dit ? demanda Glenarvan. J’ai cru comprendre qu’il conseillait de nous séparer.

— Oui, en deux troupes, répondit Paganel. Ceux de nous dont les chevaux, accablés de fatigue et de soif, peuvent à peine mettre un pied devant l’autre, continueront tant bien que mal la route du trente-septième parallèle. Les mieux montés, au contraire, les devançant sur cette route, iront reconnaître la rivière Guamini, qui se jette dans le lac San-Lucas, à trente et un milles[1] d’ici. Si l’eau s’y trouve en quantité suffisante, ils attendront leurs compagnons sur les bords de la Guamini. Si l’eau manque, ils reviendront au-devant d’eux pour leur épargner un voyage inutile.

— Et alors ? demanda Tom Austin.

— Alors, il faudra se résoudre à descendre pendant soixante-quinze milles vers le sud, jusqu’aux premières ramifications de la sierra Ventana, où les rivières sont nombreuses.

— L’avis est bon, répondit Glenarvan, et nous le suivrons sans retard. Mon cheval n’a pas encore trop souffert du manque d’eau, et j’offre d’accompagner Thalcave.

— Oh ! mylord, emmenez-moi, dit Robert, comme s’il se fût agi d’une partie de plaisir.

— Mais pourras-tu nous suivre, mon enfant ?

— Oui ! j’ai une bonne bête qui ne demande pas mieux que d’aller en avant. Voulez-vous… mylord ?… je vous en prie.

— Viens donc, mon garçon, dit Glenarvan, enchanté de ne pas se séparer de Robert. À nous trois, ajouta-t-il, nous serons bien maladroits si nous ne découvrons pas quelque aiguade fraîche et limpide.

— Eh bien, et moi ? dit Paganel.

— Oh ! vous, mon cher Paganel, répondit le major, vous resterez avec le détachement de réserve. Vous connaissez trop bien le trente-septième parallèle, et la rivière Guamini, et la Pampa tout entière pour nous abandonner. Ni Mulrady, ni Wilson, ni moi, nous ne sommes capables de rejoindre Thalcave à son rendez-vous, tandis que nous marcherons avec confiance sous la bannière du brave Jacques Paganel.

  1. Cinquante kilomètres.