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— Eh ! répondit Glenarvan, qui riait sans pouvoir se contenir, j’en ai peur. Heureusement que le vent du nord ne dure qu’un jour ! »

Tout le monde, à cette réponse, fit chorus avec Glenarvan. Alors Paganel piqua des deux, et s’en alla en avant passer sa mauvaise humeur. Un quart d’heure après, il n’y pensait plus.

Ce fut ainsi que le bon caractère du savant fut un instant troublé ; mais, comme l’avait fort bien dit Glenarvan, il fallait attribuer cette faiblesse à une cause tout extérieure.

À huit heures du soir, Thalcave, ayant poussé une pointe en avant, signala les barrancas du lac tant désiré. Un quart d’heure après, la petite troupe descendait les berges du Salinas. Mais là l’attendait une grave déception. Le lac était à sec.


CHAPITRE XVIII


À LA RECHERCHE D’UNE AIGUADE.


Le lac Salinas termine le chapelet de lagunes qui se rattachent aux sierras Ventana et Guamini. De nombreuses expéditions venaient autrefois de Buénos-Ayres y faire provision de sel, car ses eaux contiennent du chlorure de sodium dans une remarquable proportion. Mais alors, l’eau volatilisée par une chaleur ardente avait déposé tout le sel qu’elle contenait en suspension, et le lac ne formait plus qu’un immense miroir resplendissant.

Lorsque Thalcave annonça la présence d’un liquide potable au lac Salinas, il entendait parler des rios d’eau douce qui s’y précipitent en maint endroit. Mais, en ce moment, ses affluents étaient taris comme lui. L’ardent soleil avait tout bu. De là, consternation générale, quand la troupe altérée arriva sur les rives desséchées du Salinas.

Il fallait prendre un parti. Le peu d’eau conservée dans les outres était à demi corrompue, et ne pouvait désaltérer. La soif commençait à se faire cruellement sentir. La faim et la fatigue disparaissaient devant cet impérieux besoin. Un « roukah, » sorte de tente de cuir dressée dans un pli de terrain et abandonnée des indigènes, servit de retraite aux voyageurs épuisés, tandis que leurs chevaux, étendus sur les bords vaseux du lac, broyaient avec répugnance les plantes marines et les roseaux secs.