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s’y ébattaient capricieusement et disputaient l’empire des eaux à de nombreuses autruches qui gambadaient à travers les llanos. Le monde des oiseaux était fort brillant, fort bruyant aussi, mais d’une variété merveilleuse. Les « isacas, » gracieuses tourterelles grisâtres au plumage strié de blanc, et les cardinaux jaunes s’épanouissaient sur les branches d’arbres comme des fleurs vivantes ; les pigeons voyageurs traversaient l’espace, tandis que toute la gent emplumée des moineaux, les « chingolos, » les « hilgueros » et les « monjitas, » se poursuivant à tire-d’aile, remplissaient l’air de cris pétillants.

Jacques Paganel marchait d’admiration en admiration ; les interjections sortaient incessamment de ses lèvres, à l’étonnement du Patagon, qui trouvait tout naturel qu’il y eût des oiseaux par les airs, des cygnes sur les étangs et de l’herbe dans les prairies. Le savant n’eut pas à regretter sa promenade, ni à se plaindre de sa durée. Il se croyait à peine parti, que le campement des Indiens s’offrait à sa vue.

Cette tolderia occupait le fond d’une vallée étranglée entre les contre-forts


des Andes. Là vivaient, sous des cabanes de branchages, une trentaine d’indigènes nomades paissant de grands troupeaux de vaches laitières, de moutons, de bœufs et de chevaux. Ils allaient ainsi d’un pâturage à un autre, et trouvaient la table toujours servie pour leurs convives à quatre pattes.

Type hybride des races d’Araucans, de Pehuenches et d’Aucas, ces Ando-Péruviens de couleur olivâtre, de taille moyenne, de formes massives, au front bas, à la face presque circulaire, aux lèvres minces, aux pommettes saillantes, aux traits efféminés, à la physionomie froide, n’eus-