Page:Verne - Les Enfants du capitaine Grant.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Ah ! s’écria Glenarvan, que le cadavre de Robert se brise sur ces rocs, plutôt que de servir… »

Il n’acheva pas, et, saisissant la carabine de Wilson, il essaya de coucher en joue le condor. Mais son bras tremblait. Il ne pouvait fixer son arme. Ses yeux se troublaient.

« Laissez-moi faire, » dit le major.

Et l’œil calme, la main assurée, le corps immobile, il visa l’oiseau qui se trouvait déjà à trois cents pieds de lui.

Mais il n’avait pas encore pressé la gâchette de sa carabine, qu’une détonation retentit dans le fond de la vallée ; une fumée blanche fusa entre deux masses de basalte, et le condor, frappé à la tête, tomba peu à peu en tournoyant, soutenu par ses grandes ailes déployées qui formaient parachute. Il n’avait pas lâché sa proie, et ce fut avec une certaine lenteur qu’il s’affaissa sur le sol, à dix pas des berges du ruisseau.

« À nous ! à nous ! » dit Glenarvan.

Et sans chercher d’où venait ce coup de fusil providentiel, il se précipita vers le condor. Ses compagnons le suivirent en courant.

Quand ils arrivèrent, l’oiseau était mort, et le corps de Robert disparaissait sous ses larges ailes. Glenarvan se jeta sur le cadavre de l’enfant, l’arracha aux serres de l’oiseau, l’étendit sur l’herbe, et pressa de son oreille la poitrine de ce corps inanimé.



Jamais plus terrible cri de joie ne s’échappa de lèvres humaines, qu’à ce moment où Glenarvan se releva en répétant :

« Il vit ! il vit encore ! »