Page:Verne - Les Cinq Cents Millions de la Bégum - Les Révoltés de la Bounty.djvu/91

Cette page a été validée par deux contributeurs.
77
LA CAVERNE DU DRAGON

Marcel avait joué gros jeu, mais il avait gagné, grâce à la surprise produite par un langage si audacieux et si inattendu, grâce à la violence du dépit qu’il avait provoqué, la vanité étant plus forte chez l’ex-professeur que la prudence. Schultze avait soif de dévoiler son secret, et, comme malgré lui, pénétrant dans son cabinet de travail, dont il referma la porte avec soin, il marcha droit à sa bibliothèque et en toucha un des panneaux. Aussitôt, une ouverture, masquée par des rangées de livres, apparut dans la muraille. C’était l’entrée d’un passage étroit qui conduisait, par un escalier de pierre, jusqu’au pied même de la Tour du Taureau.

Là, une porte de chêne fut ouverte à l’aide d’une petite clef qui ne quittait jamais le patron du lieu. Une seconde porte apparut, fermée par un cadenas syllabique, du genre de ceux qui servent pour les coffres-forts. Herr Schultze forma le mot et ouvrit le lourd battant de fer, qui était intérieurement armé d’un appareil compliqué d’engins explosibles, que Marcel, sans doute par curiosité professionnelle, aurait bien voulu examiner. Mais son guide ne lui en laissa pas le temps.

Tous deux se trouvaient alors devant une troisième porte, sans serrure apparente, qui s’ouvrit sur une simple poussée, opérée, bien entendu, selon des règles déterminées.

Ce triple retranchement franchi, Herr Schultze et son compagnon eurent à gravir les deux cents marches d’un escalier de fer, et ils arrivèrent au sommet de la Tour du Taureau, qui dominait toute la cité de Stahlstadt.

Sur cette tour de granit, dont la solidité était à toute épreuve, s’arrondissait une sorte de casemate, percée de plusieurs embrasures. Au centre de la casemate s’allongeait un canon d’acier.

« Voilà ! » dit le professeur, qui n’avait pas soufflé mot depuis le trajet.

C’était la plus grosse pièce de siège que Marcel eût jamais vue. Elle devait peser au moins trois cent mille kilogrammes, et se chargeait par la culasse. Le diamètre de sa bouche mesurait un mètre et demi. Montée sur un affût d’acier et roulant sur des rubans de même métal, elle aurait pu être manœuvrée par un enfant, tant les mouvements en étaient rendus faciles par un système de roues dentées. Un ressort compensateur, établi en arrière de l’affût, avait pour effet d’annuler le recul ou du moins de produire une réaction rigoureusement égale, et de replacer automatiquement la pièce, après chaque coup, dans sa position première.

« Et quelle est la puissance de perforation de cette pièce ? demanda Marcel, qui ne put se retenir d’admirer un pareil engin.