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LES RÉVOLTÉS DE LA « BOUNTY »

quatre milles et demi à sa circonférence, et un mille et demi seulement à son grand axe, et l’on n’en savait que ce qu’en avait rapporté Carteret.

Le capitaine Staines résolut de la reconnaître et d’y chercher un endroit convenable pour débarquer.

En s’approchant de la côte, il fut surpris d’apercevoir des cases, des plantations, et, sur la plage, deux naturels qui, après avoir lancé une embarcation à la mer et traversé habilement le ressac, se dirigèrent vers son bâtiment. Mais son étonnement n’eut plus de bornes, lorsqu’il s’entendit interpeller, en excellent anglais, par cette phrase :

« Hé ! vous autres, allez-vous nous jeter une corde, que nous montions à bord ! »

À peine arrivés sur le pont, les deux robustes rameurs furent entourés par les matelots stupéfaits, qui les accablaient de questions auxquelles ils ne savaient que répondre. Conduits devant le commandant, ils furent interrogés régulièrement.

« Qui êtes-vous ?

— Je m’appelle Fletcher Christian, et mon camarade, Young. »

Ces noms ne disaient rien au capitaine Staines, qui était bien loin de penser aux survivants de la Bounty.

« Depuis quand êtes-vous ici ?

— Nous y sommes nés.

— Quel âge avez-vous ?

— J’ai vingt-cinq ans, répondit Christian, et Young dix-huit.

— Vos parents ont-ils été jetés sur cette île par quelque naufrage ? »

Christian fit alors au capitaine Staines l’émouvante confession qui va suivre et dont voici les principaux faits :

En quittant Taïti, où il abandonnait vingt et un de ses camarades, Christian, qui avait à bord de la Bounty le récit de voyage du capitaine Carteret, s’était dirigé directement vers l’île Pitcairn, dont la position lui avait semblé convenir au but qu’il se proposait. Vingt-huit hommes composaient encore l’équipage de la Bounty. C’étaient Christian, l’aspirant Young et sept matelots, six Taïtiens pris à Taïti, dont trois avec leurs femmes et un enfant de dix mois, plus trois hommes et six femmes, indigènes de Roubouai.

Le premier soin de Christian et de ses compagnons, dès qu’ils eurent atteint l’île Pitcairn, avait été de détruire la Bounty, afin de n’être pas découverts. Sans doute, ils s’étaient enlevé par là toute possibilité de quitter l’île, mais le soin de leur sécurité l’exigeait.

L’établissement de la petite colonie ne devait pas se faire sans difficultés,