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LES 500 MILLIONS DE LA BÉGUM

cheminées se dressaient à l’horizon comme des squelettes. Les pas de Marcel et de son compagnon sur la chaussée résonnaient dans le vide. L’expression de solitude et de désolation était si forte, qu’Octave ne put s’empêcher de dire :

« C’est singulier, je n’ai jamais entendu un silence pareil à celui-ci ! On se croirait dans un cimetière ! »

Il était sept heures, lorsque Marcel et Octave arrivèrent au bord du fossé, en face de la principale porte de Stahlstadt. Aucun être vivant ne se montrait sur la crête de la muraille, et, des sentinelles qui autrefois s’y dressaient de distance en distance, comme autant de poteaux humains, il n’y avait plus la moindre trace. Le pont levis était relevé, laissant devant la porte un gouffre large de cinq à six mètres.

Il fallut plus d’une heure pour réussir à amarrer un bout de câble, en le lançant à tour de bras à l’une des poutrelles. Après bien des peines pourtant, Marcel y parvint, et Octave, se suspendant à la corde, put se hisser à la force des poignets jusqu’au toit de la porte. Marcel lui fit alors passer une à une les armes et munitions ; puis, il prit à son tour le même chemin.

Il ne resta plus alors qu’à ramener le câble de l’autre côté de la muraille, à faire descendre tous les impedimenta comme on les avait hissés, et, enfin, à se laisser glisser en bas.

Les deux jeunes gens se trouvèrent alors sur le chemin de ronde que Marcel se rappelait avoir suivi le premier jour de son entrée à Stahlstadt. Partout la solitude et le silence le plus complet. Devant eux s’élevait, noire et muette, la masse imposante des bâtiments, qui, de leurs mille fenêtres vitrées, semblaient regarder ces intrus comme pour leur dire :

« Allez-vous-en !… Vous n’avez que faire de vouloir pénétrer nos secrets ! »

Marcel et Octave tinrent conseil.

« Le mieux est d’attaquer la porte O, que je connais, » dit Marcel.

Ils se dirigèrent vers l’ouest et arrivèrent bientôt devant l’arche monumentale qui portait à son front la lettre O. Les deux battants massifs de chêne, à gros clous d’acier, étaient fermés. Marcel s’en approcha, heurta à plusieurs reprises avec un pavé qu’il ramassa sur la chaussée.

L’écho seul lui répondit.

« Allons ! à l’ouvrage ! » cria-t-il à Octave.

Il fallut recommencer le pénible travail du lancement de l’amarre par-dessus la porte, afin de rencontrer un obstacle où elle pût s’accrocher solidement. Ce