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LE CONSEIL

délai un Conseil de défense, chargé de prendre toutes les mesures urgentes, en s’entourant du secret indispensable aux opérations militaires, la proposition fut adoptée.

Séance tenante, un membre du Conseil civique suggéra la convenance de voter un crédit provisoire de cinq millions de dollars, destinés aux premiers travaux. Toutes les mains se levèrent pour ratifier la mesure.

À dix heures vingt-cinq minutes, le meeting était terminé, et les habitants de France-Ville, s’étant donné des chefs, allaient se retirer, lorsqu’un incident inattendu se produisit.

La tribune, libre depuis un instant, venait d’être occupée par un inconnu de l’aspect le plus étrange.

Cet homme avait surgi là comme par magie. Sa figure énergique portait les marques d’une surexcitation effroyable, mais son attitude était calme et résolue. Ses vêtements à demi collés à son corps et encore souillés de vase, son front ensanglanté, disaient qu’il venait de passer par de terribles épreuves.

À sa vue, tous s’étaient arrêtés. D’un geste impérieux, l’inconnu avait commandé à tous l’immobilité et le silence.

Qui était-il ? d’où venait-il ? Personne, pas même le docteur Sarrasin, ne songea à le lui demander.

D’ailleurs, on fut bientôt fixé sur sa personnalité.

« Je viens de m’échapper de Stahlstadt, dit-il. Herr Schultze m’avait condamné à mort. Dieu a permis que j’arrivasse jusqu’à vous assez à temps pour tenter de vous sauver. Je ne suis pas un inconnu pour tout le monde ici. Mon vénéré maître, le docteur Sarrasin, pourra vous dire, je l’espère qu’en dépit de l’apparence qui me rend méconnaissable même pour lui, on peut avoir quelque confiance dans Marcel Bruckmann !

— Marcel ! » s’étaient écriés à la fois le docteur et Octave.

Tous deux allaient se précipiter vers lui…

Un nouveau geste les arrêta.

C’était Marcel, en effet, miraculeusement sauvé. Après qu’il eut forcé la grille du canal, au moment où il tombait presque asphyxié, le courant l’avait entraîné comme un corps sans vie. Mais, par bonheur, cette grille fermait l’enceinte même de Stahlstadt, et, deux minutes après, Marcel était jeté au-dehors, sur la berge de la rivière, libre enfin, s’il revenait à la vie !

Pendant de longues heures, le courageux jeune homme était resté étendu sans mouvement, au milieu de cette sombre nuit, dans cette campagne déserte, loin de tout secours.