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LES 500 MILLIONS DE LA BÉGUM

entouré de tout le Conseil. Le colonel Hendon attendait, au pied de la tribune, que la parole lui fût donnée.

La plupart des citoyens savaient déjà la nouvelle qui motivait le meeting. En effet, la discussion du Conseil civique, automatiquement sténographiée par le téléphone de l’hôtel de ville, avait été immédiatement envoyée aux journaux, qui en avaient fait l’objet d’une édition spéciale, placardée sous forme d’affiches.

La halle municipale était une immense nef à toit de verre, où l’air circulait librement, et dans laquelle la lumière tombait à flots d’un cordon de gaz qui dessinait les arêtes de la voûte.

La foule était debout, calme, peu bruyante. Les visages étaient gais. La plénitude de la santé, l’habitude d’une vie pleine et régulière, la conscience de sa propre force mettaient chacun au-dessus de toute émotion désordonnée d’alarme ou de colère.

À peine le président eut-il touché la sonnette, à huit heures et demie précises, qu’un silence profond s’établit.

Le colonel monta à la tribune.

Là, dans une langue sobre et forte, sans ornements inutiles et prétentions oratoires, — la langue des gens qui, sachant ce qu’ils disent, énoncent clairement les choses parce qu’ils les comprennent bien, — le colonel Hendon raconta la haine invétérée de Herr Schultze contre la France, contre Sarrasin et son œuvre, les préparatifs formidables qu’annonçait le New-York Herald, destinés à détruire France-Ville et ses habitants.

« C’était à eux de choisir le parti qu’ils croyaient le meilleur à prendre, poursuivit-il. Bien des gens sans courage et sans patriotisme aimeraient peut-être mieux céder le terrain, et laisser les agresseurs s’emparer de la patrie nouvelle. Mais le colonel était sûr d’avance que des propositions si pusillanimes ne trouveraient pas d’écho parmi ses concitoyens. Les hommes qui avaient su comprendre la grandeur du but poursuivi par les fondateurs de la cité modèle, les hommes qui avaient su en accepter les lois, étaient nécessairement des gens de cœur et d’intelligence. Représentants sincères et militants du progrès, ils voudraient tout faire pour sauver cette ville incomparable, monument glorieux élevé à l’art d’améliorer le sort de l’homme ! Leur devoir était donc de donner leur vie pour la cause qu’ils représentaient. »

Une immense salve d’applaudissements accueillit cette péroraison.

Plusieurs orateurs vinrent appuyer la motion du colonel Hendon.

Le docteur Sarrasin, ayant fait valoir alors la nécessité de constituer sans