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Mr SHARP FAIT SON ENTRÉE

de recevoir une visite en un pays où il ne connaissait personne, il le fut plus encore lorsqu’il lut sur le carré de papier minuscule :


« Mr SHARP, solicitor,

« 93, Southampton row,

« London. »


Il savait qu’un « solicitor » est le congénère anglais d’un avoué, ou plutôt homme de loi hybride, intermédiaire entre le notaire, l’avoué et l’avocat, — le procureur d’autrefois.

« Que diable puis-je avoir à démêler avec Mr Sharp ? se demanda-t-il. Est-ce que je me serais fait sans y songer une mauvaise affaire ?… Vous êtes bien sûr que c’est pour moi ? reprit-il.

— Oh ! yes, monsiou.

— Eh bien ! faites entrer. »

Le maître des cérémonies introduisit un homme jeune encore, que le docteur, à première vue, classa dans la grande famille des « têtes de mort ». Ses lèvres minces ou plutôt desséchées, ses longues dents blanches, ses cavités temporales presque à nu sous une peau parcheminée, son teint de momie et ses petits yeux gris au regard de vrille lui donnaient des titres incontestables à cette qualification. Son squelette disparaissait des talons à l’occiput sous un « ulster-coat » à grands carreaux, et dans sa main il serrait la poignée d’un sac de voyage en cuir verni.

Ce personnage entra, salua rapidement, posa à terre son sac et son chapeau, s’assit sans en demander la permission et dit :

« William Henry Sharp junior, associé de la maison Billows, Green, Sharp & Co.. C’est bien au docteur Sarrasin que j’ai l’honneur ?…

— Oui, monsieur.

— François Sarrasin ?

— C’est en effet mon nom.

— De Douai ?

— Douai est ma résidence.

— Votre père s’appelait Isidore Sarrasin ?

— C’est exact.

— Nous disons donc qu’il s’appelait Isidore Sarrasin. »

Mr Sharp tira un calepin de sa poche, le consulta et reprit :