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un dîner chez le docteur sarrasin

extrêmement favorable à la fondation puis au développement de France-Ville, et les notables de la cité avaient l’habitude de chercher dans ses colonnes les variations possibles de l’opinion publique aux États-Unis à leur égard. Cette agglomération de gens heureux, libres, indépendants, sur ce petit territoire neutre, avait fait bien des envieux, et si les Francevillais avaient en Amérique des partisans pour les défendre, il se trouvait des ennemis pour les attaquer. En tout cas, le New-York Herald était pour eux, et il ne cessait de leur donner des marques d’admiration et d’estime.

Le docteur Sarrasin, tout en causant, avait déchiré la bande du journal et jeté machinalement les yeux sur le premier article.

Quelle fut donc sa stupéfaction à la lecture des quelques lignes suivantes, qu’il lut à voix basse d’abord, à voix haute ensuite, pour la plus grande surprise et la plus profonde indignation de ses amis :

« New York, 8 septembre. — Un violent attentat contre le droit des gens va prochainement s’accomplir. Nous apprenons de source certaine que de formidables armements se font à Stahlstadt dans le but d’attaquer et de détruire France-Ville, la cité d’origine française. Nous ne savons si les États-Unis pourront et devront intervenir dans cette lutte qui mettra encore aux prises les races latine et saxonne ; mais nous dénonçons aux honnêtes gens cet odieux abus de la force. Que France-Ville ne perde pas une heure pour se mettre en état de défense… etc. »


CHAPITRE XII

le conseil.


Ce n’était pas un secret, cette haine du Roi de l’Acier pour l’œuvre du docteur Sarrasin. On savait qu’il était venu élever cité contre cité. Mais de là à se ruer sur une ville paisible, à la détruire par un coup de force, on devait croire qu’il y avait loin. Cependant, l’article du New-York Herald était positif. Les correspondants de ce puissant journal avaient pénétré les desseins de Herr Schultze, et — ils le disaient, — il n’y avait pas une heure à perdre !

Le digne docteur resta d’abord confondu. Comme toutes les âmes honnêtes,