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à bord du « foot ball ».

de longues plaines ou d’épaisses forêts toutes blanches de givre. Çà et là, se montraient aussi quelques agglomérations de cases, sur les bords d’étroites criques où les barques de pêche attendaient un vent favorable. C’est au moment où le Foot Ball atteignait l’extrémité de l’île de la Reine Charlotte que les deux cousins entrèrent en relation avec les passagères, objets de leur sympathique attention. Cela se fit de la manière la plus banale, à l’occasion d’une quête charitable entreprise par celles-ci au profit d’une malheureuse femme qui venait de mettre au monde, à bord même du paquebot, un enfant, d’ailleurs robuste et bien portant.

Suivie comme de coutume de sa blonde compagne, la jeune fille brune vint tendre la main à Ben et à Summy, au même titre qu’à tous les autres voyageurs. Après qu’ils lui eurent remis leur obole, Ben Raddle, entamant délibérément la conversation, obtint, sans plus de formalités, les éclaircissements qu’il désirait. En un instant, il sut que les deux passagères étaient, non pas sœurs mais cousines germaines, du même âge à quelques jours près, que leur nom de famille était Edgerton, et que, si la passagère blonde avait Edith comme prénom, Jane était celui de la brune.

Ces renseignements, c’est Jane qui, sans la moindre hésitation ni le moindre embarras, les lui avait donnés en quelques mots concis et nets ; après quoi elle s’était éloignée, fidèlement suivie de sa cousine, qui n’avait même pas ouvert la bouche.

La curiosité de Ben et de Summy n’était nullement satisfaite par ces brèves confidences. Le champ de leurs hypothèses se trouvait au contraire agrandi. Edgerton, ainsi se nommaient deux frères qui avaient eu leur heure de célébrité panaméricaine. Grands brasseurs d’affaires, leur fortune, érigée en quelques heures par une audacieuse spéculation sur les cotons, avait été longtemps colossale, puis le sort contraire avait, d’un seul coup, fait succéder la ruine à la richesse, et les frères Edgerton avaient disparu dans la foule anonyme, qui en a englouti et en engloutira tant d’autres. Y avait-il quelque chose de commun entre ces