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le volcan d’or.

Il pouvait très bien se faire que les nouveaux venus n’eussent point aperçu le Golden Mount, que les frondaisons géantes avaient dû cacher à leurs yeux. Mais, ce qu’ils n’avaient pas encore vu, ils le verraient, la lisière franchie, et nul ne pouvait dire ce qui résulterait de cette découverte.

En tous cas, c’était là une grave éventualité qui ne laissait pas de préoccuper vivement Ben Raddle et ses compagnons.

Tous, à l’exception de Jane qui demeurait absorbée, dirigèrent, avec persistance, leurs regards vers l’Occident. Rien d’insolite ne fut remarqué. Aucun nuage de fumée ne se montra au-dessus des arbres dont la masse sombre se prolongeait au delà de l’horizon.

Convaincu de l’erreur de Neluto, Ben Raddle donna le signal du départ.

À ce moment, Jane s’approcha de Summy.

« Je suis fatiguée, monsieur Skim, dit-elle d’un ton dolent.

Summy fut frappé de stupéfaction. Il y avait de quoi. Que Jane consentît à se reconnaître fatiguée, cela ne s’était jamais vu. Il fallait qu’en elle quelque chose fût changé.

Oui, quelque chose était changé, et elle était bien fatiguée, Jane Edgerton, monsieur Skim. Le ressort qui la soutenait, quand elle accomplissait, sans se lasser, des besognes au-dessus de ses forces, venait, sinon de se briser, du moins de s’affaisser. Pour un instant, elle voyait la vie autrement que comme une suite de luttes et d’efforts ininterrompus. Elle comprenait la douceur d’être aimée, protégée ; elle devinait celle du nid familial où l’on est tout enveloppé de tendresse, et son corps était alangui par la détresse de son cœur solitaire. Ah ! comme elle était fatiguée Jane Edgerton, monsieur Skim !

Il ne s’en racontait pas si long, le brave Summy ; il ne se perdait pas dans cette analyse compliquée. Il regardait Jane, simplement, et, surpris de sa réflexion, du ton brisé dont elle avait été faite, il s’étonnait de découvrir ce qu’il n’avait jamais bien vu