Page:Verne - Le volcan d'or.pdf/323

Cette page a été validée par deux contributeurs.
291
summy ne prend pas le chemin de montréal.

Ben Raddle tenait en réserve un suprême argument. Si Jacques Ledun lui avait fait cette révélation, ce n’était pas sans motifs. Sa mère, qu’il chérissait, lui survivait, une pauvre femme malheureuse pour laquelle il s’était efforcé d’acquérir la fortune, et dont la vieillesse serait assurée, si les désirs de son fils se réalisaient. Summy Skim voulait-il que son cousin manquât à la promesse faite à un mourant ?

Summy Skim avait laissé parler Ben Raddle sans l’interrompre. Il se demandait qui était fou, de Ben, qui disait des choses si énormes, ou de lui-même qui consentait à les entendre. Lorsque le plaidoyer fut achevé, il lâcha la bride à son indignation :

« Je n’ai à te répondre qu’une chose, dit-il d’une voix que la colère faisait trembler, c’est que j’en arriverais à regretter d’avoir secouru le malheureux Français et d’avoir ainsi empêché que son secret disparût avec lui dans la tombe. Si tu as pris à son égard un engagement insensé, il y a d’autres moyens de te libérer. On peut servir une pension à sa mère, par exemple, et je m’en chargerai personnellement, si cela te convient. Quant à recommencer la plaisanterie qui nous a si bien réussi, non. J’ai ta parole de retourner à Montréal. Je ne te la rendrai jamais. Voilà mon dernier mot. »

C’est en vain que Ben Raddle revint à la charge. Summy demeura inflexible. Il semblait même en vouloir à son cousin d’une insistance qu’il considérait comme déloyale, et Ben commençait à être sérieusement inquiet de la tournure que prenaient leurs relations jusque-là fraternelles.

La vérité est que Summy luttait contre lui-même. Il ne cessait de penser à ce qui adviendrait s’il ne réussissait pas à convaincre Ben Raddle. Si celui-ci persistait à pousser l’aventure jusqu’au bout, le laisserait-il s’engager seul dans cette dangereuse campagne ? Summy ne se faisait pas d’illusions. Il savait qu’il ne se résignerait jamais aux inquiétudes et aux angoisses qui seraient alors son lot et que, pour les éviter, il céderait au dernier moment.