Page:Verne - Le volcan d'or.pdf/135

Cette page a été validée par deux contributeurs.
115
le chilkoot.

Sur le conseil du Scout, Ben Raddle et Summy Skim prirent cette précaution, mais ils ne purent décider Edith et Jane à les imiter.

« Comment ferez-vous, mademoiselle Jane, pour découvrir les pépites, quand vous aurez une bonne ophtalmie ? insista vainement Ben.

— Et vous, mademoiselle Edith, renchérit Summy, comment soignerez-vous alors les malades ? Ne serait-ce que pour nous, mademoiselle, car, j’en suis certain, il nous arrivera malheur dans ce pays du diable, et vous serez notre infirmière un jour ou l’autre à l’hôpital de Dawson. »

Cette éloquence fut perdue. Les deux jeunes filles préférèrent disparaître sous la retombée de leurs capuchons et renoncer à faire usage de leurs yeux, plutôt que de les barbouiller de cette manière. Ce qui prouverait, s’il en était besoin, que, même chez la féministe la plus militante, l’éternelle coquetterie ne perd jamais ses droits.

Dans la soirée du 29 avril, la caravane fit halte au sommet de la passe du Chilkoot, et le Scout y établit son campement. Le lendemain, on adopterait les mesures nécessaires pour effectuer la descente sur le revers septentrional du massif.

En cet endroit, entièrement découvert et exposé à toutes les rigueurs de la température, l’encombrement était extraordinaire. Plus de trois mille émigrants l’occupaient alors. C’est là qu’ils organisent les « caches » où ils abritent une partie de leur matériel. La descente ne s’effectuant pas, en effet, sans d’extrêmes difficultés, on ne peut procéder que par petites charges, afin d’éviter les accidents. Aussi, tous ces illuminés, auxquels le mirage du Klondike donne une énergie, une ténacité surnaturelles, après être descendus au pied de la montagne avec un premier fardeau, remontent-ils au sommet, où ils reprennent une seconde charge, puis descendent et remontent encore, et cela quinze ou vingt fois, s’il le faut, pendant d’interminables