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Ainsi que la veille, Ben Raddle et son cousin se trouvèrent mieux de faire une partie du trajet à pied, et plusieurs fois, les religieuses que le froid engourdissait, jugèrent à propos de les imiter.

Toujours la même foule grouillante et tumultueuse, toujours les mêmes obstacles qui rendent cette trace du Chilkoot si pénible, toujours des haltes forcées, et parfois longues, lorsqu’un embarras de traîneaux et d’attelages coupait la route. À plusieurs reprises, le Scout et ses hommes durent en venir aux mains pour se frayer un passage.

Puis, triste spectacle, ce n’étaient pas seulement des cadavres d’animaux que l’on voyait jetés çà et là au pied des talus. Il n’était pas rare d’apercevoir quelque pauvre émigrant, tué par le froid et la fatigue, abandonné sous les arbres, au fond des précipices, et qui n’aurait pas même une tombe ! Souvent aussi, des familles, hommes, enfants, incapables d’aller plus loin, gisaient sur le sol glacé, et nul ne cherchait à les relever. Alors sœur Marthe et sœur Madeleine, aidées de leurs compagnons, essayaient de porter secours à ces malheureux et de les ranimer avec un peu d’eau-de-vie dont leur traîneau portait une certaine réserve. Mais que pouvait-on faire de plus ? Ou ces infortunés n’avaient pu faire autrement qu’à pied cette ascension du Chilkoot, ou les animaux qui les traînaient étaient dispersés sur la route, où ils mouraient de fatigue et de faim. Et qu’on ne s’en étonne pas, lorsqu’il s’agissait de chevaux, de mules, de rennes, auxquels il faut donner leur ration habituelle. Entre Skagway et la région des lacs, le fourrage atteignait un prix excessif, quatre cents dollars les mille kilos de foin, trois cents dollars la tonne d’avoine. Heureusement, sous ce rapport, les attelages du Scout étaient suffisamment pourvus, et nulle crainte qu’ils vinssent à manquer avant l’arrivée au revers septentrional du massif.

En réalité, de toutes ces bêtes de trait, c’étaient encore les chiens dont la nourriture paraissait être le plus assurée. Du moins pouvaient-ils satisfaire leur faim en dévorant les cadavres de chevaux et de mules qui jonchaient la passe, et ils s’en disputaient en hurlant jusqu’aux derniers débris.

L’ascension se continuait, lente et éreintante. Deux ou trois fois par quart d’heure, il fallait s’arrêter faute de pouvoir se frayer un passage à travers la foule. En quelques endroits, à des coudes brusques, la passe était si étroite que le matériel ne parvenait pas à la franchir. C’étaient principalement les bateaux démontables, que transportaient les émigrants, et dont les principales pièces excédaient la largeur du sentier. De là, nécessité d’en décharger le traîneau, et de les faire haler une à une par le mulet et le cheval. De là, aussi, perte de temps considérable, et encombrement des attelages qui suivaient.

Il y avait de plus des endroits où la rampe était si rude, dont l’angle

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