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— Assurément, monsieur, répondit l’opticien, et je crois que vous serez satisfait…

— Pas le jour, du moins, où ils marqueront soixante-dix ou quatre-vingts degrés, déclara Summy Skim du ton le plus sérieux.

— Bon, répliqua le marchand, l’essentiel est qu’ils marquent juste.

— Comme vous dites, monsieur, et arrive-t-il que la colonne descende à une soixantaine de degrés au-dessous de zéro ?…

— Fréquemment, monsieur, et même davantage.

— Allons, dit Summy Skim, il est difficile d’admettre que, même au Klondike, un thermomètre puisse tomber si bas…

— Et pourquoi pas, répondit le marchand avec quelque fierté, et si monsieur désire un instrument qui soit gradué jusque là ?…

— Merci… merci… répondit Summy Skim, et je me contenterai de celui-ci qui ne va qu’à la soixantaine ! »

Et, après tout, à quoi bon cette acquisition, aurait-il dû se dire : lorsque les yeux sont gercés sous les paupières rougies par l’âpre bise du nord, lorsque l’haleine retombe en neige autour de soi, lorsque le sang à demi-glacé est sur le point de s’embâcler dans les veines, lorsqu’on ne peut toucher un objet de métal sans y laisser la peau de ses doigts, lorsque l’on gèle devant les foyers les plus ardents comme si le feu lui-même avait perdu toute chaleur, il n’y a pas grand intérêt à savoir si la température est à soixante ou quatre-vingts degrés au-dessous de zéro, et il n’est pas besoin de thermomètre pour le constater.

Cependant les jours s’écoulaient, et Ben Raddle, dont les préparatifs étaient terminés, ne cachait point son impatience en attendant l’arrivée du Foot-Ball. Ce steamer avait-il donc éprouvé des retards en mer ?… On savait qu’il avait quitté Skagway à la date du 10 avril. Or, la traversée ne durait pas plus de six jours, et il aurait dû être déjà en vue de Vancouver.

Il est vrai, la relâche qu’il y ferait serait très courte, le temps de prendre les quelques centaines de passagers qui y avaient retenu leurs places par avance. Il n’y aurait point de cargaison ni à débarquer ni à embarquer. Ce paquebot ne faisait point le transport des marchandises, seulement celui des émigrants et de leurs bagages. Il n’aurait qu’à nettoyer ses chaudières, à remplir ses soutes de charbon, à s’approvisionner d’eau douce. Ce serait l’affaire de vingt-quatre heures, trente-six heures au plus, et il n’y avait guère à craindre les lenteurs d’une traversée qui s’effectuait le long du littoral, et le plus souvent à l’abri des îles.

Quant au ravitaillement de Dawson-City, il se faisait par steamers à marchandises, qui transportaient farines, liquides, viandes conservées, légu-

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