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venaient des États de l’Union. Rien d’intéressant comme le débarquement de ces milliers de passagers que les steamers déposaient à Vancouver. Que de gens, en attendant leur départ pour Skagway ou Saint-Michel, à errer le long des rues, la plupart réduits à se blottir dans tous les coins du port ou sous les madriers des quais inondés de lumière électrique.

Les occupations, ordre et surveillance, ne manquaient point à la police au milieu de cette encombrante foule de toute catégorie d’aventuriers sans feu ni lieu, attirés par les prodigieuses réclames en faveur du Klondike. À chaque pas on rencontrait ces agents, vêtus d’un sombre uniforme couleur feuille-morte, prêts à intervenir dans mainte querelle qui menaçait de finir dans le sang, car le mineur a le couteau facile.

Assurément, ces constables accomplissaient leur tâche souvent périlleuse, souvent difficile, avec tout le zèle et tout le courage exigés par ces fonctions si importantes au milieu de ce monde d’émigrants où se heurtent toutes les classes sociales et plus particulièrement peut-être celle des déclassés. Mais peut-être aussi, ces policemen songent-ils qu’il y aurait plus de profit et moins de péril à laver les boues des affluents du Yukon. Et comment pourraient-ils oublier que cinq constables canadiens, presqu’au début de l’exploitation du Klondike, revinrent au pays avec deux cent mille dollars de bénéfice. Il leur faut donc une grande force d’âme pour ne pas se griser comme tant d’autres.

Plusieurs fois, en consultant son guide-book, Summy Skim avait été quelque peu impressionné en lisant que, pendant l’hiver, la température tombait à cinquante degrés centigrades au-dessous de zéro. Sans doute, pensait-il, c’était là quelque exagération, bien que Dawson-City soit presque traversée par le Cercle polaire Arctique. Néanmoins, ce qui lui donna à réfléchir, ce fut de voir chez un opticien dans une des rues de Vancouver, plusieurs thermomètres gradués jusqu’à quatre-vingt-dix degrés au-dessous de glace.

« Il est évident, se dit-il, qu’il y a là exagération ! Les Klondiciens se montrent fiers de leurs froids, et ils mettent une certaine coquetterie à les faire valoir. »

Summy Skim entra chez l’opticien et le pria de lui présenter quelques thermomètres parmi lesquels il voulait faire un choix.

Le marchand prit divers modèles de cet instrument à sa vitrine, et les lui offrit. Tous étaient gradués, non point suivant l’échelle Fahrenheit, toujours en usage dans le Royaume-Uni, mais d’après l’échelle centigrade qui était plus particulièrement adoptée au Dominion, encore imbu des coutumes françaises.

« Ces thermomètres sont établis avec soin ?… demanda Summy Skim.

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