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une quinine quelconque ! Je vois qu’on n’en guérit pas, même après fortune faite, et qu’il ne suffit pas d’avoir assez d’or !… Non ! il faut en avoir trop, et peut-être trop n’est-il pas encore assez ! »

Du reste, les propriétaires du 129, les héritiers de l’oncle Josias n’en étaient pas encore là, à beaucoup près. Que ce gisement fût riche, au dire du contremaître, il est certain qu’il ne livrait pas généreusement ses richesses. Il y avait des difficultés pour atteindre la veine aurifère qui courait à travers le sol en remontant vers l’ouest, suivant le cours du Forty Miles. Ben Raddle dut reconnaître que les puits n’avaient pas une profondeur suffisante, et il serait nécessaire de les forer plus avant. Grosse besogne, puisque la température ne produisait plus la solidification des parois qui s’obtient naturellement en temps de gel.

Mais, en vérité, eût-il été sage de se lancer dans ces travaux coûteux, et ne devait-on pas les laisser aux syndicats ou particuliers qui se rendraient acquéreurs du claim ? Ben Raddle ne devait-il pas se borner au rendement du pan et du rocker ?… Était-il prudent de s’aventurer dans des dépenses qui n’accroîtraient guère la valeur du 129 ?…

Il est vrai, les plats atteignaient à peine un quart de dollar. Au prix que l’on payait le personnel, le profit était mince, et les prévisions du contremaître reposaient-elles sur des bases sérieuses ?… On pouvait se le demander.

Pendant le mois de juin, le temps fut assez beau. Plusieurs orages éclatèrent, très violents parfois, mais ils passaient vite. Les travaux interrompus étaient aussitôt repris sur tout le Forty Miles Creek.

On était en juillet. La belle saison n’avait plus que deux mois à courir. Le soleil qui se couchait à dix heures et demie reparaissait avant une heure au-dessus de l’horizon. Et encore, entre son lever et son coucher, régnait un crépuscule qui laissait à peine voir les constellations circumpolaires. Avec une seconde équipe remplaçant la première, les prospecteurs auraient pu continuer le travail. Et c’est ainsi que cela se faisait sur les placers situés au-delà de la limite des deux États, où les Américians déployaient une incroyable activité.

On ne s’étonnera pas, étant donné son tempérament, que Ben Raddle eût voulu prendre directement part à la besogne. Il ne dédaignait point de se joindre à ses ouvriers, tout en les surveillant, et, le plat à la main, de laver les boues du 129. Puis, il s’occupait de la manœuvre des rockers, et Lorique le secondait comme s’il eût travaillé pour son propre compte. Et, plus d’une fois, il dit à son cousin :

« Eh bien, Skim, tu n’essaies pas ?…

— Non, répondait invariablement Summy Skim, je ne me sens pas la vocation…

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