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D’ailleurs, Josias Lacoste avait toujours été assez peu communicatif de sa nature, et en même temps d’humeur très aventureuse. Son départ du Canada pour aller faire fortune en courant le monde, remontait à une vingtaine d’années déjà. Célibataire, il possédait un modeste patrimoine qu’il espérait accroître en se lançant dans la spéculation. Cet espoir s’était-il réalisé ? Ne s’était-il pas plutôt ruiné, avec son tempérament bien connu qui le portait à risquer le tout pour le tout ? Reviendrait-il à ses neveux, ses seuls héritiers, quelques bribes de son héritage ?… Il convient de dire que Summy Skim et Ben Raddle n’y avaient jamais pensé, et, lui mort, il ne semblait pas qu’ils dussent y penser davantage, tout à la douleur que leur causerait cette perte de leur dernier parent.

Maître Snubbin laissa donc son client à lui-même, attendant que celui-ci posât quelques questions auxquelles il était prêt à répondre. Il n’ignorait rien d’ailleurs de la situation de cette famille très honorablement connue à Montréal, ni que MM. Summy Skim et Ben Raddle n’en fussent les derniers représentants depuis la mort de Josias Lacoste. Or, comme c’était à lui que le gouverneur du Klondike avait fait notifier le décès du « prospecteur » auquel appartenait le claim 129 du Forty Miles Creek, il avait invité les deux cousins à venir prendre en son étude connaissance des droits qu’ils tenaient du défunt.

« Maître Snubbin, demanda Summy Skim, la mort de notre oncle est du 17 février ?…

— Du 17 février, monsieur Skim.

— Voilà vingt-neuf jours déjà ?…

— Vingt-neuf, en effet, et il n’a pas fallu moins de temps à cette nouvelle pour m’arriver.

— Notre oncle était donc en Europe… au fond de l’Europe… en quelque contrée lointaine ?… reprit Summy Skim, dans la conviction où il était que Josias Lacoste n’avait jamais remis le pied en Amérique.

— Nullement », répondit le notaire.

Et il tendit une lettre dont les timbres portaient l’effigie canadienne.

« Ainsi, reprit Summy Skim, il se trouvait au Canada sans que nous en ayons eu connaissance ?…

— Oui, au Canada… mais dans la partie la plus reculée du Dominion, presque à la frontière qui sépare notre pays de l’Alaska américain et avec laquelle les communications sont aussi lentes que difficiles…

— Le Klondike, je suppose, maître Snubbin ?…

— Oui, le Klondike, où votre oncle avait été se fixer depuis dix mois environ.

— Dix mois, répéta Summy Skim, et, en traversant l’Amérique pour

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