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« Bien le bonjour, monsieur Skim, dit le notaire en se levant, et permettez-moi de vous présenter mes devoirs…

— Et moi les miens, répondit M. Summy Skim en s’asseyant près de la table.

— Vous êtes le premier arrivé, monsieur Skim…

— Le premier, maître Snubbin ?… Sommes-nous donc convoqués à plusieurs dans votre étude ?…

— Deux, répondit le notaire, M. Ben Raddle, votre cousin, a dû recevoir une lettre l’invitant, comme vous, à venir…

— Alors il ne faut pas dire : a dû recevoir, mais recevra, déclara M. Summy Skim, car Ben Raddle n’est point à Montréal en ce moment.

— Doit-il bientôt revenir ?… demanda maître Snubbin.

— Dans trois ou quatre jours.

— Je le regrette.

— La communication que vous avez à nous faire est donc pressée ?…

— D’une certaine façon, oui, répondit le notaire. Mais après tout, je vais vous mettre au courant, et, dès son retour, vous voudrez bien faire connaître à M. Ben Raddle ce que je suis chargé de vous apprendre. »

Le notaire mit ses lunettes, feuilleta quelques papiers épars sur la table, prit une lettre qu’il tira de son enveloppe, et avant d’en lire le contenu, dit :

« M. Raddle et vous, monsieur Skim, vous êtes les neveux de M. Josias Lacoste…

— En effet, ma mère et la mère de Ben Raddle étaient ses sœurs. Mais, depuis leur mort, il y a sept ou huit ans, nous avons perdu toute relation avec notre oncle. Il avait quitté le Canada pour l’Europe… Des questions d’intérêt nous avaient divisés. Depuis lors, il n’a jamais donné de ses nouvelles, et nous ignorons ce qu’il est devenu…

— Eh bien, répondit maître Snubbin, je viens précisément de recevoir la nouvelle de son décès, datée du 25 février dernier. »

Quoi que toute relation eût été rompue depuis longtemps entre M. Josias Lacoste et sa famille, cette information ne laissa pas d’impressionner vivement Summy Skim. Son cousin Ben Raddle et lui n’avaient plus ni père ni mère ; et tous deux, fils uniques, ils en étaient réduits à cette parenté germaine que resserrait encore une étroite amitié. Summy Skim avait baissé la tête, les yeux humides, en songeant que de toute la famille il ne restait plus que Ben Raddle et lui. Assurément, à plusieurs reprises, ils avaient cherché à savoir ce qu’était devenu leur oncle, regrettant qu’il eût brisé tout lien avec eux. Peut-être espéraient-ils même que l’avenir leur réservait de se revoir, et voici que la mort venait de détruire cette espérance.

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