— Je suis Phileas Fogg, de Londres.
— Et moi, Andrew Speedy, de Cardif.
— Vous allez partir ?…
— Dans une heure.
— Vous êtes chargé pour… ?
— Bordeaux.
— Et votre cargaison ?
— Des cailloux dans le ventre. Pas de fret. Je pars sur lest.
— Vous avez des passagers ?
— Pas de passagers. Jamais de passagers. Marchandise encombrante et raisonnante.
— Votre navire marche bien ?
— Entre onze et douze nœuds. L’Henrietta, bien connue.
— Voulez-vous me transporter à Liverpool, moi et trois personnes ?
— À Liverpool ? Pourquoi pas en Chine ?
— Je dis Liverpool.
— Non !
— Non ?
— Non. Je suis en partance pour Bordeaux, et je vais à Bordeaux.
— N’importe quel prix ?
— N’importe quel prix. »
Le capitaine avait parlé d’un ton qui n’admettait pas de réplique.
« Mais les armateurs de l’Henrietta… reprit Phileas Fogg.
— Les armateurs, c’est moi, répondit le capitaine. Le navire m’appartient.
— Je vous l’affrète.
— Non.
— Je vous l’achète.
— Non. »
Phileas Fogg ne sourcilla pas. Cependant la situation était grave. Il n’en était pas de New-York comme de Hong-Kong, ni du capitaine de l’Henrietta comme du patron de la Tankadère. Jusqu’ici l’argent du gentleman avait toujours eu raison des obstacles. Cette fois-ci, l’argent échouait.
Cependant, il fallait trouver le moyen de traverser l’Atlantique en bateau, — à moins de le traverser en ballon, — ce qui eût été fort aventureux, et ce qui, d’ailleurs, n’était pas réalisable.
Il paraît, pourtant, que Phileas Fogg eut une idée, car il dit au capitaine :