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le testament d’un excentrique

carte dressée par William J. Hypperbone. Tous les gens qui s’occupent de parier aux courses n’attendaient que l’heure de prendre les « Six », maintenant les « Sept », soit à tant contre un, soit à égalité. Quelles bases fournir aux cotes ? Ce ne pourrait être, comme pour les chevaux de course, ni une série de prix précédemment gagnés, ni quelque illustre origine hippique, ni les garanties des entraîneurs. Il n’y avait à peser que les qualités personnelles des partenaires, chances purement morales.

Dans tous les cas, Max Réal, il faut l’avouer, se conduisait de manière à s’enlever toute sympathie des parieurs. Croirait-on que le 29 avril, la surveille du jour où les dés allaient fixer son itinéraire, il avait quitté Chicago ! Depuis quarante-huit heures, son attirail de peintre à l’épaule, il était parti pour la campagne ! Sa mère, au dernier degré de l’inquiétude, ne savait dire quand il serait de retour. Ah ! s’il pouvait être retenu n’importe où, s’il n’était pas là le lendemain, répondant à l’appel de son nom, quelle satisfaction pour le sixième partenaire qui deviendrait le cinquième ! Et ce cinquième, ce serait Hodge Urrican, et cet homme invraisemblable exultait déjà à la pensée que son tour avancerait d’un rang, et qu’il n’aurait plus que cinq concurrents à combattre !…

Bref, personne n’eût pu dire si Max Réal, le 30 avril, était revenu de son excursion, ni même s’il se trouvait dans la salle de l’Auditorium.

Or, à midi sonnant, devant la houleuse foule des spectateurs, maître Tornbrock, assisté de Georges B. Higginbotham, entouré des membres de l’Excentric Club, agita le cornet d’une main ferme et fit rouler les deux dés sur la carte…

« Quatre et quatre, cria-t-il.

— Huit ! » répondit d’une seule voix l’assistance.

Ce chiffre était celui de la case assignée par le testateur à l’État du Kansas.