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le testament d’un excentrique

quarante après, — sa taille, exactement les six pieds dix pouces, comme il a été dit, — sa force, mesurée au dynamomètre, soixante-quinze kilogrammètres, celle d’un cheval-vapeur, — sa puissance maxima de contraction aux mâchoires, deux cent trente-quatre livres, — son âge, trente ans, six mois et dix-sept jours, — ses parents, un père qui était packer ou tueur aux abattoirs de la maison Armour, sa mère qui avait été lutteuse foraine au cirque Swansea.

Et que pouvait-on demander de plus pour écrire un article de cent lignes sur Tom Crabbe ?

« Il ne parle guère… fit observer un des journalistes.

— Le moins possible, répondit John Milner. À quoi bon s’user la langue ?…

— Peut-être… ne pense-t-il pas davantage ?…

— À quoi lui servirait de penser ?…

— À rien, monsieur Milner.

— Tom Crabbe n’est qu’un poing, ajouta l’entraîneur… un poing fermé… aussi prompt à l’attaque qu’à la riposte ! »

Et, lorsque les reporters de la Freie Presse furent sortis :

« Une brute… dit l’un.

— Et quelle brute ! » répondit l’autre.

Et, assurément, ce n’était pas de John Milner qu’ils voulaient parler.

Lorsqu’on se transporte vers le nord-ouest de la ville, après avoir dépassé le boulevard Humboldt, on pénètre dans le vingt-septième quartier. Ici, l’agitation est moins grande, la population moins affairée. Le visiteur pourrait se croire en province, bien que cette locution n’ait aucune signification aux États-Unis. Au delà de Wabansia Avenue se rencontre la partie inférieure de Sheridan Street. En allant jusqu’au numéro 19, on se trouve devant une maison de modeste apparence, à dix-sept étages, peuplée d’une centaine de locataires. C’est là au neuvième que Lissy Wag occupait un petit appartement de deux pièces, où elle ne rentrait qu’après sa journée faite dans les magasins de nouveautés de Marshall Field, comme sous-caissière.