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le testament d’un excentrique

population ne se déroulait plus, comme la veille, le long des avenues et des boulevards, sur le passage d’un convoi funèbre, elle ne s’en intéressait pas moins aux surprises que lui réservait sans doute le testament de William J. Hypperbone. Quelles clauses renfermait-il, quelles obligations, bizarres ou non, imposait-il aux « Six », et comment seraient-ils mis en possession de son héritage, en admettant que tout cela n’aboutît pas à quelque mystification d’outre-tombe, bien digne d’un membre de l’Excentric Club ?…

Eh bien, cette éventualité, personne n’eût voulu l’admettre. On se refusait à croire que miss Lissy Wag, MM. Urrican, Kymbale, Titbury, Crabbe et Réal dussent ne trouver dans cette affaire que beaucoup de déceptions avec beaucoup de ridicule.

Assurément, il y aurait eu un moyen très simple de satisfaire la curiosité publique, d’une part, et de l’autre d’arracher les intéressés à cette incertitude qui menaçait de leur couper l’appétit et le sommeil. Il suffisait d’ouvrir le testament et d’en prendre connaissance. Mais défense formelle était faite de procéder avant le 15 courant, et maître Tornbrock n’eût jamais consenti à enfreindre les conditions imposées par le testateur. Le 15 avril, dans la salle du théâtre de l’Auditorium, en présence de la nombreuse assistance qu’elle pourrait contenir, il serait donné lecture du testament de William J. Hypperbone — le 15 avril, à midi, — pas un jour plus tôt, pas une minute plus tard.

Donc, obligation de se résigner, — ce qui, d’ailleurs, ne ferait qu’accroître la surexcitation des cerveaux chicagois à mesure que s’approcherait la date fatale. Au surplus, les deux mille deux cents journaux quotidiens, les quinze mille autres publications hebdomadaires, mensuelles, bi-mensuelles des États-Unis, allaient entretenir cette surexcitation. Et, au total, s’ils ne pouvaient, même par supposition, pressentir les secrets du défunt, ils se promettaient de soumettre chacun des « Six » aux tortures de l’interview et tout d’abord d’établir leur situation sociale.

Lorsqu’il aura été dit que la photographie ne se laisserait pas devancer par les journaux, que des portraits en grand ou en petit,