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le testament d’un excentrique.

Partie dans la soirée du 13, elle ne pouvait se douter que, dès le lendemain, le sort ferait pour Max Réal ce qu’il avait fait pour elle, — c’est-à-dire lui rendre la liberté, et lui donner l’occasion de « se remettre en ligne » sur le vaste champ de courses des États-Unis d’Amérique.

En proie à de si vives émotions, renfermée en elle-même, Lissy Wag s’était blottie en un coin du wagon, et Jovita Foley, assise près d’elle, n’essaya point de troubler sa compagne par d’inopportunes conversations.

De Saint-Louis à Richmond, on ne compte au plus que sept cents milles à travers le Missouri, le Kentucky, la Virginie occidentale et la Virginie orientale. Ce fut donc dans la matinée du 14 que les deux voyageuses atteignirent Richmond, où elles devraient attendre le prochain télégramme du notaire Tornbrock. On sait, d’autre part, que Max Réal avait résolu de ne quitter Saint-Louis que le jour où le tirage du 20 aurait été proclamé, dans la pensée qu’il pourrait peut-être rencontrer Lissy Wag sur sa route, lorsqu’il irait à Philadelphie remplacer Tom Crabbe.

On imagine aisément la joie des deux amies, — joie vive mais réservée chez l’une, bruyante et démonstrative chez l’autre, — lorsque, dès leur arrivée, les journaux de Richmond apprirent la délivrance de Max Réal.

« Non, vois-tu, ma chère, déclara Jovita Foley, toute vibrante, il y a un Dieu !… Des gens prétendent qu’il n’y en a pas… Les fous !… S’il n’y en avait pas, est-ce que ce Crabbe aurait jamais amené ce point de cinq !… Non !… Dieu sait ce qu’il fait, et nous devons le remercier…

— Du fond du cœur ! acheva Lissy Wag, en proie à une profonde émotion.

— Après tout, le bonheur de l’un est souvent le malheur de l’autre, reprit Jovita Foley. Aussi j’ai toujours pensé qu’il n’y a sur terre qu’une certaine somme de bonheur à la disposition des humains, et que l’un n’en prend sa part qu’au détriment de l’autre !… »