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le testament d’un excentrique.

— Seul ?… répondit Harris T. Kymbale assez surpris… Oui… seul !

— Madame ne vous a pas accompagné ?…

— Madame ?…

— Soit… on s’en passera… Ici, sa présence n’est pas nécessaire… pour divorcer…

— Divorcer, monsieur Horgarth ?…

— Sans doute, et je me charge de toutes les formalités de votre divorce…

— Mais, pour divorcer, il faut être marié… et, croyez-le bien, je ne le suis pas !

— Vous n’êtes pas marié, et vous allez à Yankton ?… s’écria Len Horgarth, qui parut être au comble de la surprise.

— Ah çà ! qui êtes-vous donc, monsieur Horgarth ?…

— Je suis rabatteur et témoin pour divorce !…

— Alors… je le regrette… répondit Harris T. Kymbale, mais vos services me sont inutiles. »

En somme, le reporter ne pouvait être étonné des propositions de l’honorable Len William Horgarth. Si, dans l’Illinois, les divorces sont d’usage courant, si l’on peut crier aux voyageurs : « Chicago, dix minutes d’arrêt, le temps de divorcer », il faut encore que cette rupture du mariage soit entourée de certaines garanties. Or, au South Dakota, il en va tout autrement. C’est par excellence le pays aux divorces, et il suffit de faire affirmer par témoin qu’on y est domicilié depuis six mois pour bénéficier de ses avantages.

De là, ce métier de rabatteur et de témoin à la disposition des hommes de loi. Ils recrutent le client, ils témoignent en sa faveur, ils lui fournissent un remplaçant, s’il ne veut pas venir en personne et préfère opérer par procuration, — enfin toutes les facilités imaginables. C’est même plus encore à la bourgade de Sioux Falls qu’à la ville de Yankton qu’appartient ce record de démolition matrimoniale.

« Eh bien ! monsieur, ajouta très obligeamment M. Horgarth, je regrette infiniment que vous ne soyez pas marié…