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le testament d’un excentrique.

Europe, sans s’inquiéter de savoir si les princes ont des principautés, les ducs des duchés, si les comtes ne sont pas ruinés et les marquis dans la panne ! »

C’est ainsi que raisonnait cette judicieuse quoique trop évaporée personne, et, en sa sagesse, elle pensa qu’il ne fallait pas prolonger outre mesure cette situation. Aussi remit-elle sur le tapis la question du départ.

Naturellement, Max Réal insista pour que le séjour à Saint-Louis ne prît pas fin avec trop de hâte. Les deux amies pouvaient attendre jusqu’au 18 juin avant de gagner Richmond, et le lendemain n’était que le 13… Et peut-être Lissy Wag, elle aussi, pensa-t-elle que c’était partir un peu tôt… Elle n’en voulut rien dire cependant et se rendit au désir de Jovita Foley.

Max Réal ne chercha point à se dissimuler le chagrin que lui causait cette séparation. Mais il sentit qu’il ne devait pas insister davantage, et, le soir venu, il conduisit les deux voyageuses à la gare. Là, il répéta une dernière fois :

« Tous mes vœux vous accompagnent, miss Wag…

— Merci… merci… répondit la jeune fille qui lui tendit franchement la main.

— Et moi ?… demanda Jovita Foley. Il n’y a donc pas une bonne parole pour moi ?…

— Si… mademoiselle Foley, répondit Max Réal, car vous avez un excellent cœur !… Veillez bien sur votre compagne, en attendant notre retour à Chicago… »

Le train se mit en marche, et le jeune homme resta sur le quai de la gare jusqu’à ce que les lumières du dernier fourgon eussent disparu dans la nuit.

Ce n’était que trop certain, il aimait, il aimait cette douce et gracieuse Lissy Wag, que sa mère adorerait dès qu’il la lui aurait présentée à son retour. D’avoir sa partie très compromise, d’être confiné dans cette métropole avec l’espoir très hypothétique d’une prochaine délivrance, voilà ce qui ne le préoccupait guère !