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le testament d’un excentrique.

furent laissées successivement en arrière. Le train filait assez rapidement à la surface de cette région arrosée par les nombreux affluents et sous-affluents de la Columbia. Enfin il était onze heures trois minutes, lorsqu’il s’arrêta à la petite bourgade de Tenino, séparée de la capitale par une distance de quarante milles, — une quinzaine de lieues environ.

Là, fâcheuse nouvelle pour les voyageurs, et désastreuse pour Harris T. Kymbale, — un accident que le minutieux Bickhorn de la Tribune n’avait pu prévoir. Impossible au train d’aller au delà de Tenino. À dix milles de cette station, un pont s’était écroulé une heure avant, et la circulation avait dû être arrêtée sur cette partie de la ligne.

Coup mortel s’il en fut jamais, et dont le quatrième partenaire ne se relèverait pas !

« Maudite guigne, s’écria-t-il, en se précipitant hors de son wagon, tu me fais périr au port ! »

Eh bien, non, et peut-être allait-il s’en tirer…

Trois jeunes gens, descendus du train, s’approchèrent de lui.

« Monsieur Kymbale, lui dit l’un d’eux, savez-vous monter à bicyclette ?…

— Oui.

— Venez donc. »

Il n’y eut pas d’autres paroles échangées. On le voit, c’était entrer carrément en matière, comme il convient entre ces gens pratiques des États-Unis.

Ce n’était pas une bicyclette, mais bien une triplette qui fut retirée du fourgon de bagages et déposée sur le quai de la gare.

« Monsieur Kymbale, dit le jeune homme, l’un de nous va vous céder sa place au milieu, l’autre se mettra derrière, moi je me mettrai devant, et il y a des chances d’arriver pour midi à Olympia !

— Vos noms, messieurs ?…

— Will Stanton et Robert Flock.

— Et le vôtre, à vous, monsieur, qui me cédez votre place ?…

— John Berry.