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deux cent dollars par jour.

si invraisemblablement arraché de sa maison chicagoise. Mais, puisqu’un mauvais sort l’y obligeait, le mieux, — à moins de s’en retourner chez soi, — n’était-il pas d’en avoir pour son argent ?… Ainsi raisonnait la dame.

Donc, chaque jour, leur magnifique équipage vint les promener en grande pompe. Une bande criarde les accompagnait de ses hurrahs moqueurs, car on les connaissait pour de fieffés avares, qui n’avaient inspiré aucune sympathie ni à Great Salt Lake City, ni à Calais, pas plus qu’ils n’en inspiraient à Chicago. Qu’importait ! ils ne s’en apercevaient même pas, et rien ne les empêchait, malgré tant de déconvenues, de se croire les grands favoris du match.

C’est ainsi qu’ils s’exhibèrent à travers les wards du nord, les faubourgs de Lafayette, de Jefferson, de Carrolton, ces quartiers élégants où resplendissent les hôtels, les villas, les cottages, encorbeillés dans la verdure des orangers, des magnolias et autres arbres en pleine floraison, à la place Lafayette, à la place Jackson[1].

C’est ainsi qu’ils se promenèrent sur la solide levée, large de cinquante toises, qui protège la ville contre les inondations, sur les quais bordés d’un quadruple rang de steamers, de steamboats, de remorqueurs, de voiliers, de caboteurs, d’où s’expédient par année jusqu’à dix-sept cent mille balles de coton. Qu’on ne s’en étonne pas, puisque le mouvement commercial de la Nouvelle-Orléans se chiffre par deux cents millions de dollars.

C’est ainsi qu’on les vit aux annexes d’Algiers, de Gretna, de Mac Daroughville, après s’être fait transporter sur la rive gauche du fleuve, là où sont plus particulièrement établis les usines, les fabriques et les entrepôts.

C’est ainsi qu’ils se firent véhiculer dans leur fastueuse voiture le long des rues élégantes, bordées de maisons de briques et de pierres qui se sont substituées aux maisons de bois détruites par tant d’incendies, et le plus souvent dans la rue Royale et la rue

  1. C’est le nom d’un brillant général de l’armée sécessionniste, qui, en 1863, fut mortellement et involontairement blessé par ses propres soldats.