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deux cent dollars par jour.

— Mais nous n’avons plus d’argent…

— Nous en ferons venir.

— Mais je ne veux pas…

— Et moi, je veux ! »

On le voit, Kate Titbury avait réponse à tout. Il y avait certainement en elle un fond de vieille joueuse qui prenait le dessus. Et puis, le mirage des millions de dollars, lequel l’attirait, la fascinait, l’hypnotisait…

Hermann Titbury n’essaya pas de résister. Il en aurait été pour ses peines. À tout prendre, les conséquences qu’il avait déduites de ce coup malencontreux n’étaient que trop justes, — un long et dispendieux voyage, la Confédération tout entière à traverser du nord-est au sud-ouest, la cherté de la vie dans cette opulente et ruineuse cité de la Nouvelle-Orléans, le temps qu’il y faudrait séjourner, puisque la règle obligeait d’attendre deux tirages avant d’être autorisé à rentrer dans la partie… ainsi qu’il le fit observer.

« Peut-être, répondit Mrs Titbury, car le hasard peut y envoyer un de nos partenaires, et dans ce cas nous irions le remplacer…

— Et lesquels, s’écria M. Titbury, puisqu’ils sont tous en avant de nous ?…

— Et pourquoi ne seraient-ils pas obligés de rétrograder après avoir dépassé le but… et de recommencer la partie comme cet abominable Urrican ?… »

Sans doute, le cas pouvait se produire. Il est vrai, le couple chicagois avait si peu de chances !

« Et puis, ajouta M. Titbury, pour comble de malheur, voilà que nous n’avons pas le droit de choisir l’hôtel où il nous conviendrait de descendre ! »

Effectivement, après les mots : case dix-neuvième, Louisiane, Nouvelle-Orléans, le malencontreux télégramme portait ceux-ci : Excelsior Hotel.

Il n’y avait pas à discuter. Que cet hôtel fût de premier ou de vingtième ordre, c’était celui qu’imposait la volonté de l’impérieux défunt.