Page:Verne - Le Testament d’un excentrique, Hetzel, 1899.djvu/371

Cette page a été validée par deux contributeurs.
350
le testament d’un excentrique.

principale cité de l’État, la plus importante de l’Union, après Chicago et New York, c’était assurément ce Tom Crabbe, brute de nature et boxeur de son métier.

Mais le sort n’en fait jamais d’autres, dit l’adage populaire, et au lieu de Max Réal, d’Harris T. Kymbale, de Lissy Wag, si capables d’admirer les magnificences de cette métropole, c’était cet être stupide qu’il y envoyait en compagnie de son entraîneur John Milner. Jamais le défunt membre de l’Excentric Club n’aurait prévu cela.

On n’y pouvait rien, d’ailleurs. Les dés avaient parlé dès les premières heures du 31 mai. Le point de douze par six et six s’était lancé sur le fil télégraphique entre Chicago et Cincinnati. Aussi le deuxième partenaire prit-il ses mesures pour quitter immédiatement l’ancienne Porcopolis.

« Oui ! Porcopolis ! s’écria en partant et avec l’accent du plus profond mépris John Milner. Comment, le jour où le célèbre Tom Crabbe l’honorait de sa présence, c’est à ce dégoûtant concours de bestiaux que s’est portée en foule sa population !… C’est à ce porc qu’est allée toute l’attention publique et il n’y a pas eu un seul hurrah pour le Champion du Nouveau-Monde !… Eh bien, empochons le gros sac d’Hypperbone, et je saurai nous venger. »

De quelle façon pourrait s’exercer cette vengeance, John Milner eût été sans doute fort embarrassé de s’en expliquer. Au surplus, avant tout, il s’agissait de gagner la partie. C’est pourquoi Tom Crabbe, se conformant aux indications du télégramme reçu dans la matinée, n’avait qu’à sauter dans le train pour Philadelphie.

Ce n’est pas qu’il n’eût dix fois le temps de faire ce voyage. Les États d’Ohio et de Pennsylvanie sont limitrophes. Dès qu’on a franchi la frontière orientale de l’un, on est sur le territoire de l’autre. Entre les deux métropoles, à peine six cents milles, et il existe plusieurs lignes de voies ferrées à la disposition des voyageurs. Vingt heures suffiraient à ce trajet.

Voilà de ces bonnes fortunes qui n’arriveraient pas au commodore Urrican, et que, d’ailleurs, n’eussent enviées ni le jeune peintre,