Page:Verne - Le Testament d’un excentrique, Hetzel, 1899.djvu/345

Cette page a été validée par deux contributeurs.
327
la vallée de la mort.

saules d’une pâleur maladive, des yuccas secs et cassants à baïonnettes aiguës, des armoises infectes, et aussi mille touffes de ces cactus désignés en Californie sous le nom de pétalinas, sans feuilles, tout en branches, véritables candélabres funéraires posés sur ce champ de la Mort.

Death Valley, ainsi que le fait observer Élisée Reclus, fut, sans doute à une époque géologique antérieure, le lit du fleuve qui se perd aujourd’hui dans le Soda Lake, et que, seul, arrose maintenant le creek de l’Amargoza. Ses talus se hérissent d’aiguilles de sel, le borax s’accumule dans ses cavités, et quelques dunes y mêlent leur poussière sablonneuse aux courants atmosphériques qui la parcourent parfois avec une extrême violence.

Oui ! la Vallée de la Mort avait été bien choisie par l’excentrique testateur pour y envoyer le malchanceux partenaire, arrêté en pleine marche à la cinquante-huitième case !

Le commodore Urrican était donc arrivé au terme de ce difficile voyage. Il fit halte au pied de la crête des Funeral Mounts, ainsi appelés en souvenir de caravanes qui périrent dans ces tristes lieux. Ce fut à cette place même qu’il prit la précaution d’écrire un document attestant sa présence à Death Valley, le 3 juin, — document qui fut enterré sous une roche, après avoir été signé de Turk et des deux conducteurs de l’automobile.

À peine Hodge Urrican resta-t-il une heure sur le seuil de cette Vallée de la Mort. Il n’avait en effet qu’à quitter au plus tôt cette triste contrée pour regagner Keeler par la route déjà suivie. Alors, ouvrant pour la première fois la bouche, il ne prononça que ce mot :

« Partons ! »

Et l’automobile partit, toujours favorisée par le temps, à travers la région supérieure du désert de Mohaws, en redescendant les passes de la Nevada, et, sans accident, il rejoignit la station de Keeler, quarante-quatre heures après, le 5 juin, à onze heures du matin.

En trois mots, mais trois mots énergiques, le commodore Urrican remercia le mécanicien et son compagnon qui avaient montré tant