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le testament d’un excentrique.

dû gagner la vallée de Yosemite, dans l’est de San Francisco, vers, la partie centrale de la Sierra Nevada, ou, plutôt, si c’eût été Max Réal que sa bonne fortune y avait conduit, quels souvenirs il eût conservés, — même après les merveilles du Parc National de Wyoming, — de cet autre parc qui domine le mont Syell à l’altitude de deux mille toises, de ces beautés naturelles avec leurs désignations significatives, la « Grande Cascade » de cinq cents pieds, la « Cascade du Printemps », le « Lac du Miroir », les « Arches Royales », la « Cathédrale », la « Colonne de Washington », tant admirés par des milliers de touristes.

Enfin l’automobile atteignit le désert à la limite duquel se creusent les dépressions de Death Valley. Là, rien que l’immense solitude. Les hommes, les animaux ne le fréquentaient pas. Un ardent soleil tombait sur ces plaines infinies. À peine quelques traces d’une végétation rudimentaire. Ni chevaux ni mules n’eussent pu s’y nourrir, et il était heureux que l’engin propulsif n’eût besoin que de vapeurs pétroliennes pour actionner le véhicule. Çà et là seulement, quelques foot-hills, collines de médiocre hauteur, entourées de chapparals, qui sont des fourrés de maigres espèces. À la chaleur accablante du jour succédaient ces nuits californiennes, sèches et froides, dont la rosée ne vient jamais adoucir les rigueurs.

Ce fut ainsi que le commodore Urrican atteignit le 3 juin l’extrémité méridionale des Télescope Range, qui encadrent Death Valley à l’ouest.

Il était trois heures de l’après-midi. Le voyage avait duré cinquante heures, sans repos, sans accidents.

En vérité, c’est à bon droit que ce pays désolé, au sol d’argile, parfois recouvert d’efflorescences salines, a pu être nommé le Pays de la Mort. La vallée, qui le termine presque à la frontière de l’État de Nevada, n’est, en somme, qu’un cañon, large de dix-neuf milles, long de cent vingt, troué d’abîmes dont le fond s’abaisserait à trente toises au-dessous du niveau de la mer. Sur ses bords ne végètent comme en cet aride territoire que de minces peupliers, des