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le testament d’un excentrique.

Ce train, uniquement composé d’une locomotive, d’un wagon et d’un fourgon, était parti en dehors des indications de l’horaire, trois bonnes heures avant celui qui traverse les territoires méridionaux de la Californie, ligne de Sacramento à la frontière de l’Arizona.

L’État de Californie occupe le deuxième rang dans la Confédération américaine avec une superficie de cent cinquante-huit mille milles carrés. Il est limité au nord et au sud par deux degrés de latitude, à l’est par une ligne brisée dont l’angle s’appuie au lac de Tahoo et la Colorado River, à l’ouest par l’Océan Pacifique, qui baigne son littoral sur une étendue de six cents milles. Si l’on répand sur ce vaste territoire une population de douze cent mille âmes, très mélangée, d’origines européenne, américaine, asiatique, immigration due à la découverte des mines d’or, après le traité de 1848 par lequel le Mexique céda le domaine californien à la République fédérale, on n’y trouvera qu’une densité assez faible d’habitants.

Le pays que dévorait le train spécial ne semblait pas attirer l’attention de ses voyageurs, emportés avec une extraordinaire rapidité. Et d’abord, en contenait-il ?… Oui, assurément, car, de temps à autre, deux têtes apparaissaient derrière la vitre, puis disparaissaient aussitôt, deux figures rébarbatives, farouches pour mieux dire. Quelquefois la vitre s’abaissait et laissait passer une large main velue, qui tenait une courte pipe, dont elle secouait les cendres, et qui rentrait à l’instant.

Peut-être, dans la partie septentrionale de l’État, ces voyageurs eussent-ils mieux observé ce territoire. Au nord et au centre, les campagnes, très favorables à l’élevage, sont remarquablement cultivées, très fertiles d’ailleurs, grandes productrices de froment, d’orge surtout, dont les épis ont de douze à quinze pieds, de maïs, de sorgho, d’avoine. On y voit des vergers où foisonnent pêches, poires, fraises, cerises, véritables forêts d’arbres fruitiers, enfin des vignobles d’un tel rapport que la Californie seule peut produire le tiers de la récolte américaine. Et toutes ces richesses sont livrées par un sol généreux, inépuisable, qu’entretient un admirable système d’irrigation.