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le testament d’un excentrique

s’occupa plus de cet incident. Il regagna l’European Hotel, où il était précisément descendu. Après son dîner, il fit une assez longue promenade à travers la ville, et, au moment où il rentrait, on lui remit une lettre arrivée d’Herculanum par le dernier train.

Non ! Il fallait une cervelle chimiquement composée comme celle qui bouillait sous le crâne de Hodge Urrican, pour que cet homme étonnant eût écrit pareille épître.

« Monsieur le quatrième partenaire, vous avez sans doute un revolver, comme moi j’ai le mien. Je prendrai demain matin, sept heures, le train qui part d’Herculanum pour Saint-Louis. Je vous somme de prendre à la même heure le train qui part de Saint-Louis pour Herculanum. Cela ne changera rien ni à votre itinéraire, ni au mien.

« Ces deux trains se croiseront à sept heures dix-sept minutes. Si vous n’êtes pas homme à bousculer les gens, à les insulter ensuite sans leur rendre raison, soyez à ce moment précis, seul, sur la passerelle arrière du dernier wagon qui précède le fourgon de bagages, comme je serai sur la passerelle arrière du dernier wagon de mon train. Il y aura là l’occasion d’échanger quelques balles.

« Commodore Hodge Urrican. »

Voilà l’homme, terrible toujours, et encore n’avait-il rien dit à Turk ni de cette querelle, ni de cette provocation, par crainte d’envenimer les choses.

Mais, pour trouver un adversaire digne de lui, il n’aurait pu mieux s’adresser qu’au chroniqueur de la Tribune. Celui-ci fut à sa hauteur en cette circonstance.

« Eh bien, si ce marin d’eau salée s’imagine que je vais reculer, s’écria-t-il, il se trompe !… Je serai à l’heure dite sur ma passerelle, puisqu’il sera sur la sienne !… Et le Pavillon Vert d’un journaliste ne s’abaissera pas devant le Pavillon Orangé d’un commodore ! »

Que l’on veuille bien remarquer que rien de tout cela ne saurait étonner en cet étonnant pays d’Amérique !