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à pas de tortue.

Or, précisément, à sept heures et demie, M. Inglis, on ne peut plus aimable et poli, se fit annoncer.

« C’est demain le grand jour, dit-il. Il serait bon, mon cher hôte, que vous fussiez ce soir à Great Salt Lake City.

— Et qui m’en empêche si ce n’est vous… s’écrie M. Titbury que la colère étouffait.

— Moi ?… répondit M. Inglis toujours souriant. Mais il suffit que vous soyez décidé à régler votre note…

— Voici, » dit Mrs Titbury en tendant à M. Inglis la liasse de billets que son mari, la mort dans l’âme, lui avait remise.

M. Titbury faillit passer de vie à trépas, lorsqu’il vit ce coquin prendre la liasse, compter la somme, et il ne trouva rien à répondre, quand ce brigand ajouta :

« Il est inutile que je vous donne un reçu de cet argent, n’est-il pas vrai ?… Mais n’ayez crainte, je la porterai à votre compte, mon cher hôte. Et maintenant, il ne me reste plus qu’à vous souhaiter, avec un sympathique bonsoir, cette bonne chance de gagner les millions du match Hypperbone ! »

La porte était libre, et, sans en entendre davantage, le couple s’élança au dehors.

Il faisait presque nuit, et l’endroit serait difficile à reconnaître. Dès lors, comment désigner à la police le théâtre de cette scène tragi-comique ? Enfin le plus pressé était de regagner Great Salt Lake City dont on apercevait les lumières à trois milles de là, en amont de Crescent River. Et c’est ainsi qu’une heure après, M. et Mrs Titbury atteignirent la Nouvelle Sion, où ils descendirent dans le premier hôtel venu. Il ne leur coûterait jamais aussi cher que Cheap Hotel !

Le lendemain 2 juin, M. Titbury se rendit aux bureaux du shérif, afin de déposer sa plainte et demander que les agents se missent à la recherche de Robert Inglis. Peut-être serait-il encore temps de lui reprendre les trois mille dollars…

Le shérif, — un magistrat très intelligent, — reçut avec grand