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le testament d’un excentrique

aride, du sable et de l’argile, mélangés de sels alcalins qui le couvrent d’efflorescences blanchâtres comme le grand désert dans l’ouest du lac. Il n’y pousse que du thym, de la sauge, du romarin, des bruyères sauvages, et aussi de prodigieuses quantités de tournesols à fleurs jaunes. Vers l’est s’élevaient les cimes lointaines et embrumées des monts Wahsatch.

Il était sept heures et demie, lorsque le train s’arrêta en gare de Great Salt Lake City.

Une magnifique ville, avait dit Robert Inglis, et certainement il ne laisserait pas partir ses nouveaux amis avant qu’ils l’eussent visitée, une ville de cinquante mille habitants, — il exagérait de cinq mille, — une ville magnifique, encadrée à l’est par de magnifiques montagnes, et que le magnifique Jourdain met en communication avec le magnifique lac Salé, une ville salubre entre toutes, avec ses maisons, ses cottages entourés de massifs verdoyants, leurs vergers, leurs potagers plantés de pommiers, pruniers, abricotiers, pêchers, qui donnent les plus beaux fruits du monde !… Et en bordure des rues marchandes magnifiques… des édifices bâtis en pierre, et d’aspect magnifique !… Et ses monuments, magnifiques spécimens de l’architecture mormone, la magnifique Présidence où résidait autrefois Brigham Young, le magnifique Temple mormon, le magnifique Tabernacle, une merveille de charpente, dans lequel huit mille Fidèles pouvaient trouver place !… Et autrefois, quelles magnifiques cérémonies, le pape et les apôtres sur une estrade magnifique, autour, la foule des Saints, hommes, femmes, enfants, oh ! combien ! assistant à la lecture de la Bible écrite de la magnifique main de Mormon lui-même !… Enfin, tout magnifique.

La vérité est que M. Robert Inglis, par amour pour sa cité natale, se laissait aller à quelque exagération. La ville du Grand Lac Salé ne mérite pas de tels éloges. Elle est trop vaste pour sa population, et si elle possède quelques beautés naturelles, elle n’en montre aucune d’artistique. Quant au fameux Tabernacle, ce n’est, à vrai dire, qu’un énorme couvercle de chaudière posé à plat sur le sol.