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le testament d’un excentrique

— S’il l’est !… s’écria Mrs Titbury.

— Si je le suis !… répondit enfin le troisième partenaire. Allez le demander au juge Ordak !… Cela m’a coûté assez cher pour qu’on ne me chicane pas sur mon identité !… »

En effet, aucun doute à ce sujet. Le télégramme fut donc remis à Mrs Titbury et ouvert par elle, car la main tremblante de son mari n’aurait pu y parvenir.

Et voici ce qu’elle lut d’une voix décroissante qui s’étreignit sans articuler les derniers mots :

« Hermann Titbury, point de deux par un et un, Great Salt Lake City, Utah.

Tornbrock. »

Le couple défaillit au milieu des railleries peu contenues de l’assistance, et il fallut l’asseoir sur un des bancs de la salle.

La première fois, par un et un, envoyé à la deuxième case au fond du Maine, la seconde fois, encore par un et un, envoyé à la quatrième case en plein Utah !… Quatre points en deux coups !… Et, pour comble, après avoir été de Chicago à l’extrémité de l’Union, aller presque à l’autre extrémité dans l’ouest !

Passé ces quelques moments de faiblesse très compréhensible, on l’avouera, Mrs Titbury se ressaisit, redevint la virago résolue qui dominait le ménage, prit son mari par le bras et l’entraîna vers l’auberge de Sandy Bar.

Non ! la malchance était vraiment trop prononcée ! Quelle avance avaient déjà les autres partenaires, Tom Crabbe, Max Réal, Harris T. Kymbale, Lissy Wag, sans parler du commodore Urrican !… Ils filaient comme des lièvres, et les Titbury marchaient comme des tortues !… Aux milliers de milles parcourus entre Chicago et Calais, il faudrait maintenant ajouter les deux mille deux cents qui séparent Calais de Great Salt Lake City…

Enfin, si les Titbury ne se résignaient pas à abandonner le match, il convenait de ne point s’attarder à Calais, quitte à prendre quelques