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le testament d’un excentrique

Le lendemain, John Milner voulut faire un tour par la ville, bien entendu, sans être accompagné de sa bête curieuse. Avant de quitter l’hôtel, il lui dit :

« Tom, je te laisse ici, et tu m’attendras. »

Comme ce n’était pas dans le but de le consulter que John Milner lui faisait cette recommandation, Tom Crabbe n’eut point à répondre.

« Tu ne sortiras de ta chambre sous aucun prétexte, » ajouta John Milner.

Tom Crabbe fût sorti, si on lui eût dit de sortir. On lui disait de ne pas sortir, il ne sortirait pas.

« Si je tardais à revenir, ajouta encore John Milner, on te monterait ton premier déjeuner, puis ton second, puis ton lunch, puis ton dîner, puis ton souper. Je vais donner des ordres, et tu n’auras pas à t’inquiéter de ta nourriture ! »

Non, certes, Tom Crabbe ne s’inquiéterait pas, et, dans ces conditions, il attendrait patiemment le retour de John Milner. Puis, dirigeant son énorme masse vers une large rocking-chair, il l’y déposa, et, imprimant un léger balancement à son siège, il s’enferma dans le néant de ses pensées.

John Milner descendit au bureau de l’hôtel, fit le menu des substantiels repas qui devraient être servis à son compagnon, franchit la porte, se dirigea vers l’Ohio à travers les rues de Covington, passa le fleuve en ferry-boat, débarqua sur la rive droite, et, les mains dans les poches, en flâneur, remonta le quartier commerçant de la ville.

Une assez grande animation y régnait, John Milner put le constater. Aussi essaya-t-il de surprendre au passage quelques mots des propos qui s’échangeaient. Il ne doutait pas d’ailleurs que l’on ne fût déjà très préoccupé de la prochaine arrivée du deuxième partenaire.

Voilà donc John Milner qui déambule d’une rue à l’autre, entre des gens visiblement affairés, s’arrêtant près des groupes, devant les