Page:Verne - Le Testament d’un excentrique, Hetzel, 1899.djvu/232

Cette page a été validée par deux contributeurs.
220
le testament d’un excentrique

La chaloupe vint accoster au fond du port, et aussitôt plusieurs centaines d’habitants, — Key West en possédait dix-huit mille à cette époque, — entourèrent les naufragés. Ils attendaient le commodore Urrican, et dans quelles conditions il se présentait ou plutôt on le présentait à leurs yeux !

Décidément la mer ne réussissait pas aux partenaires du match J. Hypperbone, Tom Crabbe arrivé au Texas à l’état de masse inerte, le commodore arrivé à l’état de cadavre ou peu s’en fallait !

Hodge Urrican fut amené dans le bureau du port, où un médecin se hâta d’accourir.

Hodge Urrican respirait encore, et si son cœur battait faiblement, il ne semblait pas qu’aucun de ses organes eût été lésé. Cependant, lorsqu’il avait été précipité hors de la goélette, sa tête s’était fendue sur l’angle d’une roche, le sang avait abondamment coulé, et on pouvait toujours craindre quelque lésion au cerveau.

En somme, malgré les soins, malgré les vigoureux massages auxquels on le soumit, — et Turk ne s’y épargna point, on peut le croire, — le commodore, bien qu’il eût poussé deux ou trois soupirs, ne reprit pas connaissance.

Le médecin proposa alors de le transporter dans la chambre d’un confortable hôtel, à moins qu’il ne parût préférable de le conduire à l’hôpital de Key West, où il serait mieux soigné que partout ailleurs.

« Non… répondit Turk, ni à l’hôpital… ni à l’hôtel…

— Où donc alors ?…

— Au Post Office ! »

Il avait une idée, ce brave Turk, — une idée que comprirent et adoptèrent tous ceux qui l’entouraient. Puisque Hodge Urrican était arrivé avant midi à Key West, ce jourd’hui, 25 mai, — et cela contre vent et marée, on peut le dire, — pourquoi sa présence ne serait-elle pas officiellement constatée dans l’endroit même où il devait se trouver à cette date ?…