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suite des aventures du commodore urrican.

— Je te l’achète, ton bateau…

— Il n’est pas à vendre.

— Un bateau est toujours à vendre quand on l’achète plus que son prix !

— Combien en donnez-vous ?…

— Deux mille piastres.

— Convenu, répondit Huelcar, enchanté d’un marché si avantageux.

— C’est le double de sa valeur, dit le commodore Urrican. Il y en aura mille pour sa coque… et mille pour la tienne et celle de tes hommes.

— Payable quand ?…

— Comptant, avec un chèque que je te ferai à Key West.

— C’est dit, mon commodore.

— Et maintenant, Huelcar, cap au large ! »

Toute la journée la Chicola lutta vaillamment, quelquefois couverte en grand par les lames, ses bastingages à demi sous l’eau. Mais Turk la maintenait d’une main ferme, et l’équipage manœuvrait avec autant de courage que d’habileté.

La goélette était parvenue à s’élever de la côte, grâce surtout à un léger changement dans la direction du vent, un peu remonté au nord. Toutefois, lorsque la nuit arriva, il commença à mollir, et l’espace s’emplit de brumes opaques.

L’embarras fut extrême alors. Il avait été impossible de calculer la position pendant le jour. La goélette se trouvait-elle à la hauteur de Key West, ou avait-elle dépassé ce semis d’écueils qui prolonge vers les Marquesas et les Tortugas cette queue de la péninsule ?…

À l’estime du patron Huelcar, la Chicola devait être très rapprochée de ce chapelet d’îlots, derrière lequel se propagent, avec les courants de foudre du détroit de la Floride, les eaux chaudes du Gulf-stream.

« Nous verrions certainement le phare de Key West, n’étaient les