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le testament d’un excentrique

ligne, il est vrai, — avec une moyenne de cinq nœuds seulement, et en tenant compte des déviations de route ou des vents défavorables, cela pouvait s’enlever en six jours.

Dix minutes après, Hodge Urrican et Turk étaient à bord de la Chicola qu’ils examinaient en connaisseurs. C’était un petit bâtiment de cabotage, tirant peu d’eau, destiné à naviguer le long de la côte entre les bas-fonds, assez large de coque pour porter une forte voilure.

Deux marins, tels que le commodore et l’ancien quartier-maître n’étaient pas hommes à s’inquiéter des dangers de la mer. En somme, depuis vingt ans, le patron Huelcar courait ces parages sur sa goélette, de Mobile aux îles de Bahama à travers le détroit de la Floride, et il avait maintes fois relâché à Key West.

« Combien pour la traversée ?… demanda le commodore.

— Cent piastres par jour.

— Nourris ?…

— Nourris. »

C’était cher, et Huelcar abusait de la situation.

« Nous partirons à l’instant… commanda Hodge Urrican.

— Dès que votre malle sera à bord.

— À quelle heure le jusant ?…

— Il commence, et, avant une heure, nous serons en pleine mer. »

Prendre passage sur la Chicola, c’était l’unique moyen d’arriver à Key West où le sixième partenaire devait être rendu le 25 au plus tard, avant midi.

À huit heures, l’hôtel réglé, Hodge Urrican et Turk embarquèrent. Cinquante minutes plus tard, la goélette sortait de la baie entre les forts Mac Rae et Pickens, jadis construits par les Français et les Espagnols, et elle mettait le cap au large.

Le temps était incertain. La brise soufflait assez fraîchement de l’est. La mer, défendue par le barrage de la péninsule floridienne, ne ressentait pas encore les longues houles de l’Atlantique, et la Chicola se comportait bien.