Page:Verne - Le Testament d’un excentrique, Hetzel, 1899.djvu/169

Cette page a été validée par deux contributeurs.
160
le testament d’un excentrique

— Il faut espérer que non, c’est entendu… c’est entendu, ma chérie ! »

Et c’est ainsi que Jovita Foley, le plus souvent, ripostait par cette locution, ironique dans sa bouche, aux observations de la craintive Lissy Wag.

Puis, l’excitant encore, elle lui dit :

« Tu ne me parles jamais de cet abominable Tom Crabbe, car il est en route avec son cornac… en route pour le Texas ?… Est-ce que tu ne fais pas aussi des vœux pour le crustacé ?…

— Je fais le vœu, Jovita, que le sort ne nous envoie pas dans des pays aussi éloignés…

— Bah, Lissy !

— Voyons, Jovita, nous ne sommes que des femmes, et un État voisin du nôtre conviendrait mieux…

— D’accord, Lissy, et cependant si le sort ne pousse pas la galanterie jusqu’à épargner notre faiblesse… s’il nous expédie à l’océan Atlantique… à l’océan Pacifique… ou au golfe du Mexique, force sera bien de se soumettre…

— On se soumettra, puisque tu le veux, Jovita.

— Ce n’est pas parce que je le veux, mais parce qu’il le faut, Lissy. Tu ne penses qu’au départ, jamais à l’arrivée… la grande arrivée… la soixante-troisième case… et moi j’y pense nuit et jour, puis au retour à Chicago… où les millions nous attendent dans la caisse de cet excellent notaire…

— Oui !… ces fameux millions de l’héritage… dit Lissy Wag en souriant.

— Voyons, Lissy, est-ce que les autres partenaires n’ont pas accepté sans tant récriminer ?… Est-ce que le couple Titbury n’est pas sur le chemin du Maine ?

— Pauvres gens, je les plains !

— Ah ! tu m’exaspères à la fin !… s’écria Jovita Foley.

— Et toi, si tu ne t’apaises pas, si tu continues à t’énerver comme tu le fais depuis une semaine, tu te rendras malade, et je resterai pour te soigner, je t’en préviens…