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le testament d’un excentrique

Isidorio hochait la tête, se grattait le front, clignait de l’œil, dans l’attitude d’un homme assez indécis, qui veut parler et hésite à le faire.

« Voyons, lui demanda Harris T. Kymbale, est-ce que tu ne te trouves pas suffisamment rémunéré ?…

— Sans doute, répondit Isidorio. Mais… ces cent mille dollars… c’est toujours… si vous gagnez…

— Réfléchis, mon brave, réfléchis !… Est-ce qu’il peut en être autrement ?…

— Pourquoi pas ?…

— Voyons… me serait-il possible de te verser une pareille somme, si je n’empochais pas l’héritage ?…

— Oh ! je comprends, monsieur Kymbale… Je comprends même très bien !… Aussi… je préférerais…

— Quoi donc ?…

— Cent bons dollars…

— Cent au lieu de cent mille ?…

— Oui… répondit placidement Isidorio. Que voulez-vous, je n’aime pas à compter sur le hasard… et cent bons dollars que vous me donneriez tout de suite… ce serait plus sérieux… »

Ma foi, — et peut-être au fond regrettait-il sa générosité, — Harris T. Kymbale tira de sa poche cent dollars, et les remit à ce sage, qui déchira le billet et en rendit les morceaux.

Le reporter partit accompagné de bruyants souhaits de bon voyage et disparut au galop par la grande rue de Santa Fé. Cette fois, sans doute, le nouveau conducteur, le cas échéant, se montrerait moins philosophe que son camarade.

Et quand on interrogea Isidorio sur la détermination qu’il avait prise :

« Bon ! fit-il, cent dollars… c’est cent dollars !… Puis… je n’avais pas confiance !… Un homme si sûr de lui !… Voyez-vous… je ne mettrais pas vingt-cinq cents sur sa tête ! »