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un reporter en voyage.

tueuse, difficile, dangereuse même, — en tout cas peu propice à un rapide cheminement. En effet, à partir de ces basses plaines, il fallait s’élever de sept à huit cents toises, qui est l’altitude de Santa Fé au-dessus du niveau de la mer.

Au delà de cette énorme échine du New Mexico s’étend le bassin arrosé par les nombreux tributaires qui font du Rio Grande del Norte l’un des plus magnifiques cours d’eau du versant ouest de l’Amérique. Là s’engage l’importante voie qui va de Chicago à Denver et favorise le commerce avec les provinces du Mexique.

Pendant cette nuit du 20 au 21, l’allure de la carriole fut bien lente et bien rude. L’impatient voyageur, non sans raison, eut cette crainte de ne point arriver à temps. De là, exhortations et objurgations incessantes adressées au flegmatique Isidorio.

« Mais tu ne marches pas…

— Que voulez-vous, monsieur Kymbale, nous n’avons que des roues, et il nous faudrait des ailes…

— Mais tu ne comprends donc pas l’intérêt que j’ai à être le 21 à Santa Fé…

— Bon !… si nous n’y sommes pas ce jour-là, nous y serons le lendemain…

— Mais il sera trop tard…

— Mon cheval et moi, nous faisons tout ce que nous pouvons, et on ne saurait exiger plus d’une bête et d’un homme ! »

Le fait est qu’Isidorio n’y mettait point de mauvaise volonté et ne s’épargnait guère.

C’est alors que Harris T. Kymbale crut devoir l’intéresser plus directement à la partie qu’il jouait. Aussi, tandis que l’attelage s’exténuait en remontant l’un des plus raides défilés de la chaîne, au milieu d’épaisses forêts d’arbres verts, en suivant les lacets d’un labyrinthe semé d’éboulis et de troncs abattus par l’âge, il dit à son automédon :

« Isidorio, j’ai une proposition à te faire.

— Faites, monsieur Kymbale.