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le testament d’un excentrique

« Harris T. Kymbale ?… dit-il.

— C’est moi.

— Voulez-vous que je vous conduise à Santa Fé ?…

— Si je le veux !…

— Convenu.

— Tu te nommes ?…

— Isidorio.

— Isidorio me va.

— Ma voiture est là, prête à partir.

— Partons, et n’oublie pas, mon ami, que si une voiture marche grâce à son attelage, c’est grâce à son cocher qu’elle arrive. »

L’Hispano-Américain comprit-il tout ce qu’il y avait d’insinuant dans cet aphorisme ?… Peut-être.

C’était un homme de quarante-cinq à cinquante ans, la peau très basanée, l’œil très vif, la physionomie goguenarde — un de ces malins qui ne se laissent pas facilement rouler. Quant à penser qu’il fût fier d’avoir à conduire un personnage qui avait une chance sur sept de valoir soixante millions de dollars, le reporter ne voulait pas en douter, bien que rien ne fût moins sûr.

Harris T. Kymbale occupait seul la voiture. Ce n’était point un stage à six chevaux, mais une simple carriole qui trouverait à relayer aux pueblos de la route. Le véhicule s’élança sur le chemin cahoteux de l’Aubey’s Trail, coupé de nombreux creeks qu’il passait à gué, s’approvisionnant aux relais, se reposant quelques heures de nuit.

Le lendemain, au petit jour, la carriole avait franchi une quarantaine de milles par Cimarron, en longeant la base des White-Mountains, sans avoir fait aucune mauvaise rencontre. Du reste, il n’y a plus rien à redouter des Apaches, des Comanches et autres tribus de Peaux-Rouges qui couraient autrefois la contrée, et dont quelques-unes ont obtenu du gouvernement fédéral de conserver leur indépendance.

Dans l’après-midi, la voiture avait dépassé Fort Union, Las Vegas, et elle s’engagea à travers les défilés de Moro Peaks. Route mon-