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le testament d’un excentrique

geaient leurs réflexions au passage du cortège, dont ils regrettaient sans doute de ne pas faire partie.

« Certainement, disait l’un, c’est aussi beau que la cérémonie de dédicace de notre Exposition !

— Vrai, répondait l’autre, et ça vaut le défilé du 24 octobre dans Midway Plaisance !

— Et les six qui marchent près du char… clamait un marinier de la Chicago-river.

— Et qui reviendront la poche pleine ! s’écriait un ouvrier de l’usine Cormick.

— En voilà des gagneurs de gros lots, hennissait un énorme brasseur, qui suait la bière par tous ses pores. Je donnerais bien mon pesant d’or pour être à leur place…

— Et vous n’y perdriez pas ! répliquait un vigoureux abatteur des Stock Yards.

— Une journée qui leur rapportera des paquets de bonnes valeurs !… répétait-on autour d’eux.

— Oui !… leur fortune est faite !…

— Et quelle fortune !…

— Dix millions de dollars à chacun…

— Vous voulez dire vingt millions…

— Plus près de cinquante que de vingt ! »

Lancés comme ils l’étaient, ces braves gens finirent par arriver au milliard, — mot qui est d’ailleurs de conversation courante aux États-Unis. Mais il est à noter que tous ces dires ne reposaient que sur de simples hypothèses.

Et maintenant, est-ce que ce cortège allait faire le tour de la ville ?…

Eh bien, si le programme comportait une pareille déambulation, la journée n’y pourrait suffire.

Quoi qu’il en soit, toujours avec les mêmes démonstrations de joie, toujours au milieu des bruyants éclats de l’orchestre et des chants des orphéonistes qui venaient d’entonner le « To the Son of Art »,