Page:Verne - Le Testament d’un excentrique, Hetzel, 1899.djvu/142

Cette page a été validée par deux contributeurs.
134
le testament d’un excentrique

chie l’histoire de notre glorieux pays ! Après la guerre de l’Indépendance, la guerre de Sécession, la proclamation de la doctrine de Monroe, l’application du bill Mac Kinley, c’est le fait le plus marquant que l’imagination d’un membre de l’Excentric Club ait imposé à l’attention du monde ! »

Ainsi parlait Harris T. Kymbale en s’adressant aux voyageurs du train qui venait de quitter ce jour-là, 7 mai, la cité chicagoise. Le reporter de la Tribune, débordant de joie et de confiance, allait ainsi, pérorant de l’avant à l’arrière du wagon par le couloir central, puis d’un wagon à l’autre par la passerelle jetée entre eux, puis de la tête à la queue du convoi lancé à toute vapeur, qui contournait alors la rive méridionale du lac Michigan.

Harris T. Kymbale était parti seul. Après avoir remercié ceux de ses confrères qui désiraient l’accompagner, il n’avait point accepté leurs offres. Non, pas même un domestique, — seul, tout seul. Lui, on le voit, ne cherchait pas à passer incognito comme Max Réal ou Hermann Titbury. Il mettait les gens dans la confidence et eût volontiers écrit sur son chapeau : Quatrième partenaire du match Hypperbone ! Un nombreux cortège l’avait conduit à la gare, honoré de ses hurrahs, accablé de ses souhaits de bon voyage. Et il était si bien entraîné, si confiant, on le savait si débrouillard, en même temps si audacieux, si déterminé, que déjà plusieurs paris avaient été engagés sur sa tête. On l’avait pris à un contre deux et même contre trois, — ce qui le flattait et ne laissait pas d’être de bon augure.

Toutefois, si Harris T. Kymbale avait refusé d’associer quelques amis aux hasards de ses déplacements à travers l’Union, il ne devait pas être réduit, on s’en aperçoit, à s’isoler dans son coin, à se concentrer en de muettes pensées, à ne se livrer qu’à des apartés silencieux. Loin de là, tous les voyageurs avec lesquels il ferait route deviendraient ses compagnons. Il était un peu de la race de ces gens qui ne pensent que lorsqu’ils parlent, et ce n’est pas de paroles qu’il se montrerait avare au cours de ses itinéraires, — de sa bourse non plus. La caisse de la richissime Tribune lui était ouverte, et il